Santé mentale
Les hospitalisations pour tentative de suicide ont doublé chez les jeunes (Solidaris)
Une nouvelle étude de Solidaris, basée sur près de 28.000 hospitalisations suite à une tentative de suicide entre 2013 et 2024 montre que chez les 13-24 ans, les admissions à l’hôpital ont presque doublé, signe d’une détresse ancrée bien avant la pandémie.
Chaque semaine, deux jeunes âgés d'entre 10 et 24 ans se suicident. Parmi les 15-24 ans, le suicide est la cause d'un décès. Pour mieux comprendre le phénomène et l'enrayer, Solidaris s'est penché sur quastre aspects:
- L'épidémiologie : analyse de l’évolution du nombre d’admissions hospitalières (28.000) pour tentative de suicide (TS) entre 2013 et 2024 sur tout le territoire;
- Les facteurs de risque : analyse du profil socio-démographique des jeunes hospitalisés pour tentative de suicide pour mettre en évidence d’éventuels facteurs de fragilité;
- La prise en charge : analyse des contacts ambulatoires et hospitaliers avant et après l’admission, ainsi que de la
consommation d’antidépresseurs et d’antipsychotiques; - Des dynamiques propres : analyse spécifique des 8-25 ans en matière de soins et d'accompagnement.
© Solidaris
Seuls une fois sortis de l’hôpital
Chez les 13–24 ans, les admissions à l’hôpital après TS ont presque doublé en dix ans sur l’ensemble du territoire, révèle l'analyse de Solidaris. Ce résultat inquiétant signe une détresse mentale qui était présente même avant l'épisode covid-19. Autre constat alarmant : plus d’un jeune sur six récidive après une première tentative.
En outre, plus d’un jeune sur six récidive après une première tentative
L’étude révèle d’importantes failles dans la prévention et la continuité des soins:
- Plus d’1 jeune sur 6 âgé d'entre 8 et 25 ans récidive après avoir été hospitalisé pour une tentative de suicide;
- 1 sur 5 n’a eu aucun contact avec un médecin généraliste dans les trois mois avant ou après son hospitalisation;
- 4 sur 10 n’ont reçu aucun traitement médicamenteux six mois avant ou après avoir été hospitalisés;
- 6,3% n’ont bénéficié d’aucune prise en charge avant ou après leur hospitalisation.
"Un trop grand nombre de jeunes sortent de l’hôpital sans accompagnement ni suivi adapté", alerte Solidaris.
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Les inégalités accroissent la détresse mentale
Par ailleurs, la précarité double le risque d’hospitalisation, montre l'analyse des mutualités socialistes. Les affiliés sous statut BIM sont nettement plus touchés que les autres.
Les filles de 14 à 16 ans sont particulièrement concernées, avec un taux d’hospitalisation cinq fois supérieur à celui des garçons de la même tranche d’âge. Au niveau territorial, la Wallonie reste la région la plus touchée, tandis que Bruxelles connaît une progression rapide. Ces disparités confirment que la santé mentale reste marquée par les inégalités sociales et territoriales.
Une réalité encore plus préoccupante
Ces constats, déjà alarmants, ne reflètent pas toute l’étendue du problème, puisque l’étude ne se base que sur les hospitalisations suite à une tentative de suicide, or de nombreuses situations n’entraînent pas d’admission à l’hôpital et échappent donc à l'analyse. "La réalité du mal-être des jeunes est certainement encore plus inquiétante que ce que montrent ces données", souligne Solidaris, qui plaide pour une stratégie globale de prévention du suicide et un renforcement de la prise en charge.
Deux axes principaux :
- Renforcer la prévention : cibler les publics vulnérables (jeunes, femmes, personnes précarisées et/ou en invalidité, malades chroniques, personnes en situation de handicap, familles monoparentales). Former des sentinelles pour repérer les signaux de détresse et orienter vers l’aide. Briser les tabous autour du suicide et des troubles mentaux. Mettre en lumière les dispositifs d’aide (surtout vers les jeunes) et la convention AVIQ/Un Pass dans l’impasse permettant une prise en charge thérapeutique (gratuit pour les BIM). Soutenir le Plan stratégique wallon en santé mentale.
- Adapter l’offre de soins : renforcer la psychologie de première ligne pour offrir un accès rapide et sans passer par l’hôpital; sensibiliser les généralistes à la détection précoce des troubles; réviser la programmation des lits pédopsychiatriques (inchangée depuis 1976); renforcer les dispositifs de suivi post-hospitalisation tels que les services de vigilance (exemple: Okapi).
"Une société qui a oublié de prendre soin"
"Notre société n’a jamais été aussi riche, et pourtant jamais aussi malheureuse", constate à regret Jean-Pascal Labille, secrétaire général de Solidaris. "La déshumanisation gangrène nos liens, nos institutions, nos esprits. Le mal-être des jeunes n’est pas une fatalité : c’est le symptôme d’une société qui a oublié de prendre soin, qui a tout construit sur la performance, l’optimisation et la compétition. Investir dans la santé mentale, ce n’est pas seulement sauver des vies : c’est réaffirmer que le progrès ne vaut rien s’il ne rend pas les gens plus heureux, plus solidaires, plus vivants."