Médecine du travail

Mutualités libres : Pourquoi et qui entre en incapacité de travail ?

Face au « fléau » des malades de longue durée (plus de 520.000 en Belgique), Les Mutualités libres/Partena ont voulu remonter à la source. Seul moyen sans doute de la tarir…

kiné
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Faits marquants

Entre 2018 et 2024, les profils des personnes en incapacité primaire ont évolué, avec une forte hausse des troubles psychosociaux (burn-out, dépression).
Les troubles musculosquelettiques restent importants mais connaissent des dynamiques contrastées selon les pathologies.
Des vulnérabilités spécifiques apparaissent : femmes, ouvriers, jeunes (pour les troubles mentaux) et indépendants.
Certains problèmes de santé, comme les troubles psychosociaux et les cancers, conduisent plus souvent à l’invalidité de longue durée.
Ces évolutions appellent à renforcer la prévention, à adapter les politiques de santé au travail et à cibler davantage les groupes vulnérables.

Plus personne n’ignore que la Belgique compte aujourd’hui plus d’un demi-million de personnes en incapacité depuis plus d’un an (on parle « d’invalidité »). Ils forment une cohorte supérieure à celle des chômeurs (et d’autant plus avec les exclusions du chômage qui viennent de démarrer avec les personnes qui cumulent plus de 20 ans d’inactivité). Idem pour les dépenses (12 milliards en 2024). La perte pour la sécu est double : ils reçoivent une indemnité (modeste certes) et ne cotisent plus. L’économie et les entreprises en sont perturbées.

Les Mutualités libres et Partena, l’une des filiales, constate qu’« entre 2012 et 2023, le nombre de personnes en invalidité est passé de 304.452 à 526.507 soit une augmentation de 72,9%. Plus interpellant encore que des chiffres absolus, le taux d’invalidité  (nombre de personnes en invalidité/nombre de titulaires indemnisables) est passé de 6,5% à 10,3% au cours de cette période, soit une hausse de 58,9%. Quant aux indemnités d'incapacité de travail, elles ont plus que doublé, passant de 5,5 à 12 milliards d'euros. »

Allongement de l’âge de la retraite

Les raisons sont multiples : allongement de l’âge de la retraite et du droit à la prépension, conditions plus strictes pour l’accès au chômage (en incapacité on ne doit pas postuler),… 70% des causes d’invalidité sont désormais d’ordre musculo-squelettique et psychologiques. Et jusqu’à présent, les réformes et les modèles de remise au travail ont été anecdotiques face à la hausse continue du nombre de malades de longue durée, pointons notamment la possibilité de sanctionner les médecins qui auraient un comportement de prescription de périodes d’incapacité jugé déviant et la volonté d’impliquer les entreprises pour adapter un poste de travail.

Les Mutualités libres se sont penchées plus précisément sur l’identification des diagnostics d’entrée en incapacité de travail (c’est-à-dire des nouveaux dossiers) les plus fréquents afin de mieux comprendre ceux qui mènent à une invalidité et d’en analyser leur évolution au cours des dernières années. Les données proviennent des plus de 2 millions de membres de l’organisme assureur (le 3e du pays), salariés et indépendants.

80% entre 30 et 59 ans mais…

Premier constat : 80% des personnes entrant en incapacité de travail primaire sont âgées de 30 à 59 ans. Mais les moins de 40 ans sont peu nombreux et les 50-59 sont sur-représentés. A l’approche de la soixantaine, en effet, les maux n’ont plus toujours de remède. « Toutefois, entre 2018 et 2024, la proportion des personnes de moins de 40 ans et de plus de 59 ans parmi celles qui entrent en incapacité a augmenté de manière plus marquée que celle observée chez les titulaires indemnisables dans ces mêmes tranches d’âge. A l’inverse, la part des 40-59 ans a diminué plus fortement chez les personnes entrant en incapacité que parmi l’ensemble des titulaires. »

Au niveau entrées en incapacité, les femmes sont légèrement plus représentées que les hommes (53/47), mais cette légère surreprésentation ne s’est pas « aggravée » sur la période d’étude (2018-2023). « En 2018, les ouvriers représentaient plus de la moitié des personnes entrant en incapacité de travail primaire (52,2 %), suivis des employés avec près de quatre entrées sur dix (39,9%). Les travailleurs indépendants constituaient une minorité (7,9%). » Toutefois, l’augmentation des indépendants qui entre en incapacité a fait un bond de +49% qui s’explique pour un tiers par la diminution de la période de « carence » d’un mois à deux semaines.

musculo squeletique
Pourcentage de personnes en incapacité de travail pour troubles musculo-squelletique

Burnout et problèmes musculo-squelettiques

Rien de nouveau sous le soleil, on l’a dit : le burn-out (ou surmenage en français) et les problèmes musculo-squelettiques occupent l’essentiel des raisons d’atterrir dans le système d’indemnité. Ainsi, « sur un total de 85.704 entrées en incapacité de travail primaire en 2024, le burn-out occupe la première place avec 11.131 cas, représentant ainsi 13% du total. Entre 2018 et 2024, le nombre d’entrée en incapacité pour burn-out a quasiment doublé en passant de 5.738 cas à 11.131 cas (+94%). En seconde place, on retrouve la dépression avec 6.227 entrées en incapacité de travail, soit 7,2% de l’ensemble des entrées. » Bunout et dépressions pèsent pour 1/5e des entrées en incapacité de travail en 2024 contre 16% environ en 2018.

Quels troubles mentaux exactement ? La dysthymie, le stress et les troubles anxieux ont enregistré entre 2018 et 2024 une hausse de 56%, 106% et 52% respectivement. « Les entrées en incapacité de travail pour malaise et fatigue (4ème cause d’entrée) ont plus que doublé entre 2018 et 2024 (+126%) », notent les experts.

En 2023, environ 80 % des nouveaux cas d’incapacité de travail ont été résolus dans les 12 mois (incapacité primaire). Les 20 % restants sont donc passés en invalidité en 2024. En clair : plus un groupe de maladies “retient” des patients au-delà d’un an, plus il pèse dans les statistiques d’invalidité.

trouvles mentaux
Pourcentage de personnes en incapacité de travail souffrant de troubles mentaux.

Tumeurs et cancers

A cet égard, notent les experts, « le groupe de maladies du chapitre II (tumeurs/cancers) présente l’un des pourcentages le plus faible de dossiers clôturés à 12 mois (59%), c'est-à-dire le pourcentage le plus élevé de passages en invalidité. »

Les femmes représentent deux tiers des entrées pour burn-out (65%) et près de six sur dix pour des troubles mentaux et du comportement (58%), alors qu’elles constituent moins de la moitié des titulaires indemnisables.

Inquiétant ? Entre 2018 et 2024, on observe un glissement du poids des entrées en incapacité pour troubles mentaux et du comportement ou burn-out vers les tranches d’âge plus jeunes : les personnes de moins de 40 ans représentent désormais une entrée sur deux, alors qu’elles constituaient 43,8% des entrées pour le burn-out et 47,1% pour les troubles mentaux et du comportement. En termes relatifs, l’évolution au cours de cette période est nettement plus forte parmi les moins de 30 ans qui entrent en incapacité pour burn-out (+22% entre 2018 et 2024).

Les entrées en incapacité de travail pour troubles musculosquelettiques touchent davantage les personnes âgées. En 2018 comme en 2024, une personne sur trois (33%) entrant en incapacité avec ce type de pathologie était âgée de 50 à 59 ans. Sur la même période, la part des plus de 59 ans parmi les entrées a presque doublé, atteignant 10,3% en 2024 (5,9% en 2018).

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Pourcentage de personnes en incapacité de travail souffrant de bunout.

Ouvriers problèmes au dos, employés problème psychosociaux…

Peu surprenant : les ouvriers sont largement surreprésentés parmi les personnes entrant en incapacité de travail en raison de troubles musculosquelettiques. « Leur proportion parmi les entrées (62,5% en 2018 et 56,2% en 2024) est plus de deux fois plus élevée que celle parmi les titulaires indemnisables ».

Pour les troubles psychosociaux, les employés sont surreprésentés (environ deux personnes sur trois), alors que pour les troubles mentaux et du comportement ce sont les ouvriers qui le sont. Bien que les indépendants soient sous-représentés dans les entrées en incapacité de travail, leur proportion parmi les personnes entrant en incapacité a fortement augmenté entre 2018 et 2024 (+77% pour les troubles musculosquelettiques, +67% pour le burn-out et +58% pour les troubles mentaux et du comportement) sans qu’ils soient plus nombreux au sein de l’organisme assureur.

 

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Écrit par Nicolas de Pape5 septembre 2025
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