La méningite, un problème politique

Lors d’une matinée d’études à la Chambre sur la méningite à l’occasion de la journée mondiale contre cette maladie et à l’initiative du BAOP (Académie belge de pédiatrie), un panel politique a débattu, notamment, de la nécessité de rembourser au plus vite le vaccin 4CMenB. Car, alors que des vaccins existent, la méningite, encore diagnostiquée trop tardivement, handicape et tue dans notre pays.

La matinée était organisée sous la férule de l’Académie belge de pédiatrie (BAoP) qui a rappelé que « pneumocoques et méningocoques peuvent entraîner des méningites bactériennes et des septicémies, avec un impact considérable sur les patients et leurs familles ».

Recrudescence préoccupante

Les experts (quasi tous néerlandophones : cette question intéresse-t-elle le sud du pays ?) ont tout d’abord fait le point sur la situation épidémiologique. « La Belgique a connu en 2023 une recrudescence préoccupante de la maladie, avec plus de 100 cas confirmés et plusieurs décès. En 2024, 77 cas de méningite ou septicémie à méningocoque ont été recensés. Les sérogroupes B (39 %), W (29,9 %) et Y (26 %) sont les plus fréquents. Cette recrudescence souligne l’urgence d’une mobilisation nationale. » L’OMS appelle alerte d’ailleurs le monde via son plan d’action ‘Defeating meningitis by 2030’.

Or un problème social surgit immédiatement dans la lutte contre la maladie puisqu’afin de protéger un nourrisson contre les infections graves à pneumocoques et à méningocoques, « les parents doivent aujourd'hui payer 524 euros en plus du calendrier vaccinal, car ces vaccins ne sont pas remboursés. Pendant ce temps, en 2023, 128 enfants de moins de 2 ans ont souffert d’infections invasives à pneumocoque et 83 cas d’infection à méningocoque, dont 36 de type B, ont été recensés. Le prix de l’inaction est cependant bien plus élevé que celui des vaccins », souligne la Pre Ann De Guchtenaere, présidente de l’Académie belge de pédiatrie.

Vaccin inégalement réparti

La couverture vaccinale reste tant insuffisante qu’inégalement répartie. « Depuis 2023, le vaccin contre les sérogroupes A, C, W et Y est disponible gratuitement pour les nourrissons de 15 mois. En revanche, le vaccin contre le méningocoque B (4CMenB) – pourtant responsable d’une grande partie des cas graves – n’est toujours pas remboursé. Entre novembre 2022 et octobre 2023, 16.816 enfants ont reçu 2 à 3 doses de 4CMenB, mais 71 % de ces vaccinations ont eu lieu dans seulement 11 % des communes belges. Ce déséquilibre territorial reflète une inégalité d’accès préoccupante », a souligné la modératrice.

En clôture du sympo, puisque nous étions à la Chambre, un panel politique a été mis (un peu) sur le grill – comme de coutume. Se sont prêtés au jeu, Jean-François Gatelier (Les Engagés, introducteur de la séance et médecin généraliste), Kathleen De Poorter (N-VA) (également pharmacienne), Florence Pottier, conseillère politique à la présidence du MR pour les matières de santé et les affaires sociales sans oublier Jan Bertels, spécialisé en santé pour Vooruit et toujours au fait des projets de Frank Vandenbroucke. Deux experts complétaient le panel : l’épidémiologiste et virologue Marc Van Ranst et le Pr David Tuerlinckx (CHU UCL Namur – co-chair Vaccines CSS).

Témoignages émouvants

Des témoignages de patients, terriblement émouvants, ont introduit le débat politique, mettant sur les députés une pression considérable. Et qu’on nous permette de commencer par eux. Il y eut tout d’abord une jeune femme, Kimberley, avant-bras et deux-tiers des deux jambes amputés en raison, dit-elle, d’une perte de temps considérable relative à l’absence du bon diagnostic (12 heures de délai). Mère de deux enfants, elle vit à 500 mètres de leur école, un parcours d’obstacles pour sa chaise roulante électrique, pas adaptée aux hautes bordures.

Puis vinrent les parents du petit Arthur, décédé à l’âge de 9 mois de méningite à l’hôpital le lendemain de son arrivée, passant par les départements de pédiatrie et de gastro-entérologie. Fiévreux et vomissant, l’enfançon n’a pas été diagnostiqué suffisamment à temps. Son décès a cependant sauvé trois autres jeunes enfants via dons de ses organes. Les parents ont, depuis, créé la Fondation « Arthur For Ever » pour sensibiliser aux affres de cette maladie et soutenir les familles.

"Des parents qui doivent débourser des centaines d'euros pour un vaccin, ce n'est pas normal."

Enfin, les parents du petit Maurice, diagnostiqué à temps et sauvé, 5 ans aujourd’hui, soulignent l’importance, pour les médecins, d’aller très vite lors de la prise en charge. Mais les urgences, débordées, prennent-elles suffisamment les patients au sérieux ? That is the question…

Le Dr Jean-François Gatelier a précisé que depuis un an, une de ses premières interventions était justement de faire part de son inquiétude au ministre de la Santé concernant le non-remboursement des vaccins contre le méningocoque B. « J'ai été confronté dans ma pratique, avant d'être parlementaire, à cette situation où les parents prenaient sur eux-mêmes pour acheter un vaccin entre 200 et 300 euros quand on fait le schéma vaccinal complet. J'étais assez fâché de voir que dans un pays qui consacre autant d'argent à ses soins de santé [il a cité par ailleurs 42 milliards environ par an], des recommandations de 2019 ne sont pas encore appliquées. La bonne nouvelle, c’est que, dans le gouvernement actuel, la prévention est vraiment mise en avant. Place à l’action ! »

Se garder de la lasagne institutionnelle

Jan Bertels a regretté qu’il faille un débat – c’est même insensé quand on y pense - pour savoir si un traitement doit être remboursé au niveau fédéral ou régional. « Tout reste une question de soins efficaces. Le vaccin doit être remboursé au niveau fédéral. Point. »

Katleen De Poorter – bien qu’elle reconnaisse que son parti n’est pas vraiment favorable à conserver des compétences au niveau fédéral – rappelle avoir défendu sa proposition de résolution (approuvée) pour le remboursement du vaccin pneumococcique pour les patients de plus de 50 ans à risque et pour les patients en bonne santé à partir de 65 ans et pour les patients à partir de 16 ans avec une immunodépression. "Nous avons une coalition miroir. Les gouvernements des entités fédérées sont les mêmes que le gouvernement fédéral. Nous trouverons les moyens nécessaires. »

David Tuerlinckx, unique expert francophone invité lors de la matinée (!) s’est concentré sur le déficit d’informations, d’abord chez l’adolescent et aussi auprès du nourrisson. Même si, quant à ce dernier, la vaccination diffère d’une région à l’autre. « L’information doit se faire à l’école », a-t-il martelé. Le second expert, le Pr Marc Van Ranst, peu disert en séance, a opiné du chef.

Enfin, la Pre Ann De Guchtenaere, depuis les tribunes, a poussé une gueulante : « Je suis en colère. Le budget belge de la prévention est de 2%. C'est très peu. Mais je veux juste vous dire à tous que les enfants en sont les plus grandes victimes (...). Dès 2019, le Conseil supérieur de la Santé avait déjà publié sa recommandation sur le vaccin méningocoque B. Les patients à risque ne sont pas non plus remboursés. Les enfants n'ont pas de voix, et les parents presque pas non plus. »