Le sémaglutide freine le vieillissement biologique chez les personnes vivant avec le VIH
Juin 2025 - Une analyse secondaire de l’étude SLIM LIVER, présentée dans le cadre de la CROI 2025 à San Francisco, suggère que le sémaglutide, un agoniste des récepteurs GLP-1 bien connu pour ses effets sur le diabète et la perte pondérale, pourrait aussi ralentir le vieillissement épigénétique chez les personnes vivant avec le VIH. Menée par le Dr Michael Corley (Weill Cornell Medical College, New York), cette étude novatrice met en exergue une nouvelle dimension thérapeutique de cette molécule prolixe: son impact sur l’âge épigénétique.
Avec l’efficacité des traitements antirétroviraux, les personnes vivant avec le VIH ont vu leur espérance de vie augmenter et rejoindre celle de la population générale. Mais ce succès s’accompagne d’un défi : un vieillissement prématuré souvent mesurable dès la cinquantaine, qui s’explique par une combinaison de facteurs inflammatoires, métaboliques et viraux.
Parmi les complications fréquentes figurent la lipohypertrophie, une accumulation de graisse viscérale abdominale, ainsi qu’une augmentation des comorbidités cardiovasculaires, hépatiques et métaboliques. C’est dans ce contexte que le sémaglutide, initialement développé contre le diabète de type 2, suscite un intérêt croissant.
Une étude novatrice
L’étude SLIM LIVER, dont la présente étude constitue une analyse secondaire, a recruté 108 adultes vivant avec le VIH, âgés de 49 ans en moyenne; 35% étaient des femmes, l’IMC moyen était de 34 et tous étaient en succès virologique stable avec un nombre moyen de cellules CD4 de 800. Ces participants présentaient tous une lipohypertrophie abdominale.
Ils ont été randomisés en deux groupes équipotents, pour recevoir soit une injection de sémaglutide (jusqu’à 1 mg par semaine) soit une injection de placebo, pendant 32 semaines. Outre les mesures de poids et de masse graisseuse, les investigateurs ont procédé à l’évaluation de l’âge biologique des participants à l’aide d’algorithmes d’horloges épigénétiques (outils scientifiques basés sur l’évaluation de la méthylation de l’ADN sur base d’un échantillon de sang périphérique) de première, seconde, troisième et quatrième génération. Ces « horloges » permettent l’estimation du niveau de vieillissement de l’organisme sur le plan cellulaire, indépendamment de l’âge chronologique.
Masse graisseuse abdominale en recul
Dans le cadre de cette analyse, les investigateurs ont retenu deux critères d’évaluation, dont l’un était l’évolution de la masse graisseuse sous traitement par le sémaglutide.
Sur ce critère, on constate une réduction moyenne de 30% de la graisse viscérale et de 11% de la graisse sous-cutanée et ce, sans perte musculaire majeure. De plus, il a été possible de déterminer un biomarqueur spécifique, appelé "DNAmGripmax", lequel est associé à la fonction musculaire, qui permet d’identifier les patients répondant le mieux au traitement en termes de réduction de la graisse hépatique et viscérale. Une découverte qui ouvre la voie à une médecine personnalisée, où les marqueurs épigénétiques guideraient l’indication thérapeutique.
Vieillissement épigénétique stabilisé
Le second critère pris en compte par les investigateurs était aussi le plus attendu puisqu’il s’agit du vieillissement épigénétique.
Le taux annuel moyen estimé de changement de l'âge épigénétique sur 32 semaines de suivi a été accéléré dans le groupe placebo pour toutes les générations d’algorithmes d’horloges épigénétiques prises en compte lors de cette analyse: PCHorvath1 (+1,9 an), PCHorvath2 (+1,9 an), PCHannum (+2,3 ans), PCPhenoAge (+2,7 ans), PCGrimAge (+1,9 an).
En revanche, le taux de variation annuel moyen estimé dans le bras sémaglutide était : PCHorvath1 (+0,25 an), PCHorvath2 (-0,07 an), PCHannum (-0,08 an), PCPhenoAge (-0,29 an), PCGrimAge (-0,58 an) et DunedinPACE (-0,04). Le taux annuel moyen de changement a été significativement diminué dans le bras sémaglutide par rapport au placebo pour l'horloge épigénétique de deuxième génération PCGrimAge (p=0,02) et l'horloge épigénétique de troisième génération DunedinPACE (p=0,02).
Des effets secondaires à surveiller
Le traitement a été globalement bien toléré, mais quelques effets indésirables sérieux ont été rapportés : un cas de pancréatite aiguë sévère (grade 4) et deux cas de complications biliaires dans le groupe traité. Ces évènements, bien que très rares, rappellent donc la nécessité d’un suivi médical étroit, notamment chez les patients à risque.
VIH: une avancée vers une approche globale du vieillissement
Pour les investigateurs, ces nouvelles données marquent une étape importante dans la compréhension et la prise en charge du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH.
Les résultats montrent que le sémaglutide peut faire plus que réduire la graisse corporelle, et pourrait jouer un rôle actif dans la prévention du vieillissement accéléré - un défi majeur pour les patients les plus âgés.
L’étude suggère également que l’analyse du profil épigénétique pourrait devenir un outil clinique afin de prédire les bénéfices d’un traitement, ou suivre l’impact d’une intervention sur le vieillissement.
Bien que prometteurs, ces résultats nécessitent, bien évidemment, confirmation à plus grande échelle et sur des périodes beaucoup plus longues. Des études de phase 3 avec des critères cliniques durs (évènements cardiovasculaires, frailty, mortalité) seront ainsi nécessaires avant toute intégration de cette approche dans la pratique courante.
>> Ref : Corley M. et al. Abstract 181, CROI 2025, San Francisco