Médecine familiale

« L’indépendance de la SSMG est non négociable"

La nouvelle présidente de la SSMG, Aurore Girard, revendique un mandat soutenu par une équipe, ancré dans la pratique et résolument indépendant des influences extérieures. Entre diversification des financements, formations pilotées par des généralistes de terrain et recherches centrées sur la réalité du cabinet, elle détaille sa vision d’une médecine générale solide, attractive et capable d’intégrer les défis d’aujourd’hui, de la pénurie à l’intelligence artificielle jusqu’à l’environnement.

Aurore Girard

Le journal du Médecin : Vous avez été vice-présidente de la SSMG et vous avez accepté d’être présidente. Pourquoi passer ce cap ? Ce n’est pas la même chose, c’est beaucoup plus de responsabilités…

Dre Aurore Girard : Tout à fait. J’ai passé le cap parce que c’est d’abord une décision collégiale. On a décidé de ne pas avoir une présidence « personnelle », mais vraiment de fonctionner comme une équipe pour faire tourner la SSMG. Je suis la figure de proue, mais avec toute une équipe très efficace derrière moi, sans laquelle je n’aurais jamais accepté de monter à ce poste.

Vous avez ouvert un centre médical, je crois, à Woluwe-Saint-Lambert. Cette expérience va vous servir ou vous sert déjà, j’imagine ?

Tout à fait. J’avais préalablement un cabinet. J’ai eu un parcours évolutif. J’ai changé de carrière plusieurs fois en restant médecin. J’ai travaillé en duo pendant presque six ans avant de partir en France, en zone rurale, pendant deux ans. Cela m’a permis d’avoir une autre expérience, puisque j’étais auparavant à Bruxelles. Pour des raisons personnelles, je suis revenue en Belgique, et c’est à ce moment-là que l’opportunité d’ouvrir ce centre s’est présentée. Tout cela mis ensemble, c’est une très chouette expérience.

Vous vous sentez une femme d’affaires ?

Oh non ! Je me sens une médecin qui gère plus de choses que d’autres, mais pas une femme d’affaires. Il y a des vraies femmes d’affaires qui font cela beaucoup mieux que moi.

De plus en plus d’indépendance par rapport au Pharma

Je posais la question parce qu’à une certaine époque, on disait que la SSMG recevait trop d’argent de l’industrie pharmaceutique. De quoi vivez-vous en fait ?

Il y a effectivement eu une période où une partie importante du financement était liée au sponsoring. On a toujours voulu garder une indépendance mais, financièrement, ce n’était pas le cas. On a donc pris un virage il y a environ quatre ans, déjà sous la présidence du Dr Mary, en décidant de se détacher des firmes pharmaceutiques pour trouver d’autres sources de financement et avoir un équilibre plus en adéquation avec nos valeurs.

À l’heure actuelle, on a entre 20 et 25 % de notre financement qui reste lié aux firmes pharmaceutiques. On essaie d’avoir un sponsoring sur le fond : elles ne paient pas pour des événements particuliers, afin de préserver notre indépendance. Ce sont des financements annuels pour mettre en avant certaines pathologies, pas des produits pharmaceutiques. Les formations restent totalement indépendantes et les organisateurs ne sont jamais en contact avec les firmes. 

Y a-t-il également une cotisation ?

Oui, il y a une cotisation qui finance un peu moins de la moitié de nos actions actuellement. On essaie de tendre vers la moitié, mais c’est compliqué. Et on a aussi des subsides pour certains projets. 

Des subsides de la Région wallonne ou de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?

On en reçoit de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région bruxelloise, l’AVIQ, la COCOF et la Fondation Roi Baudouin pour certains projets. On essaie de diversifier au maximum pour garder notre indépendance.

Voilà qui est transparent… Vous avez dit qu’une formation de qualité est importante pour vous. Comment la SSMG peut-elle y contribuer ?

Nous faisons des formations créées par des médecins généralistes. C’est très important pour nous : ce sont les médecins de terrain qui pilotent les contenus. Ils réfléchissent aux sujets, à la forme, aux intervenants les plus adéquats. Notre pôle enseignement veille à la cohérence, et à ne pas oublier certains thèmes, sinon on a tendance à se former sur ce qu’on connaît le mieux.

 « Notre pôle recherche n’est pas un centre universitaire. »

Vous étiez directrice du pôle recherche. Vous continuez ? Et quelles sont les priorités en recherche ?

Je continue, avec une coresponsable qui m’aide. On ne prétend pas être un centre universitaire, mais mener des recherches de terrain, directement liées à la pratique de médecine générale. Certaines études ne trouvent pas leur place ailleurs. Actuellement, on travaille avec Sciensano sur le dépistage précoce des cancers en médecine générale. C’est de la recherche très ancrée dans la pratique. 

Le lien entre santé et environnement était peu investigué jadis. Ce sont surtout les pesticides et polluants qui vous intéressent, ou est-ce plus large ?

C’est plus large. Certains membres développent une expertise sur les pesticides et polluants, mais cela va bien au-delà : impact environnemental des soins, des matériaux, des médicaments… Tout cela a des conséquences sur la santé globale. On ne peut pas être médecin en 2025 et penser que nos prescriptions n’ont aucun impact sur la santé planétaire, et donc indirectement sur nos patients.

Trouvez-vous suffisamment de gens motivés ?

C’est toujours le nerf de la guerre. 90 % des membres de nos cellules travaillent à temps plein comme médecins généralistes et donnent un peu de leur temps. Ce sont l’intérêt personnel et l’envie d’apporter quelque chose à l’édifice qui nous animent. Certaines activités sont financées, d’autres sont bénévoles. Certaines formations sont indispensables et on les organise même sans subside.

Bien que vous  ayez toujours voulu garder votre différence vis-à-vis des syndicats médicaux (contrairement à Domus Medica), vous avez une vision de la médecine générale. Le médecin généraliste reste-t-il central à vos yeux ? Et de quelle manière ?

On voit le médecin généraliste comme le premier interlocuteur du patient. Est-il toujours central ? Son rôle varie avec le temps. Dans certaines situations, il est central, dans d’autres, il délègue. Mais il est toujours présent, quel que soit l’état du patient, même en l’absence de pathologie. C’est lui qui accompagne toute la vie du patient.

Donc, au plan scientifique, cela ne vous dérange pas que les pharmaciens vaccinent ou que les kinés prescrivent des traitements ?

Scientifiquement, l’important est que le patient soit vacciné. Qui administre le vaccin relève d’un débat sur la répartition des rôles, et c’est le rôle des syndicats de s’y positionner. À partir du moment où la personne est correctement formée, il n’y a pas de problème scientifique.

IA : le médecin pas remplaçable

Votre mandat dure deux ans. Comment vous projetez-vous ? Souhaitez-vous une SSMG plus puissante, plus dotée ?

Si déjà on garde les moyens actuels, ce serait bien. Une grande partie de notre financement vient de subsides, et il faut aussi du temps humain, dans une période de pénurie. Les deux grands enjeux sont donc le financement et les ressources humaines. Plus de moyens seraient utiles pour rémunérer correctement les médecins qui délèguent une partie de leur activité à la SSMG. Il ne s’agit pas forcément de faire plus, mais de continuer à faire un travail de qualité. 

L’intelligence artificielle. Opportunité ? Menace ?

Les deux. L’IA peut accélérer certains processus et aider à analyser nos pratiques. Mais si quelqu’un ne risque pas d’être remplacé, c’est bien le médecin généraliste ! Nous accompagnons les patients, nous connaissons leur vie autant que leur santé. L’IA ne gère pas l’humain de cette manière. D'autres spécialités pourraient être plus impactées. On parle beaucoup des radiologues, mais l’interprétation des résultats reste essentielle. Les algorithmes donnent des propositions, mais l’humain doit prendre la décision.

Il faudra former les médecins à l’utilisation correcte de l’IA pour éviter qu’elle n’introduise des biais qui mèneraient à une médecine de moindre qualité.

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