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Cigarette électronique : aide au sevrage tabagique ou danger pour la santé publique ?

CONGRÈS ERS Lors du congrès européen 2025 de pneumologie, les Prs McRobbie et Görek Dilektasli ont défendu leurs positions respectives quant à l’utilisation de la cigarette électronique comme aide au sevrage tabagique. 

vapotageVendue par l’industrie comme une alternative sûre et efficace au tabagisme classique, nous verrons que les avis quant à son utilisation font l’objet de franches controverses. Introduite en 2007 au Royaume-Uni, la cigarette électronique inonde depuis lors le marché, redorant par ce biais le blason d’une industrie du tabac aux abois.  

Hayden McRobbie, professeur de Santé publique à l’Université Queen Mary de Londres, nous partage son expertise sur le sujet. Partant du postulat qu’il convient avant tout d’agir sur la réduction de risque, la cigarette électronique offre, pour sa part, des avantages non négligeables en termes de santé publique. Réputée moins nocive que la cigarette conventionnelle, elle contribuerait activement à la réduction de la prévalence globale du tabagisme au sens strict, sans considérer la dépendance nicotinique qui s’y associe dans de nombreux cas.

E-cig versus NRT

Soulignons avant tout que les produits les plus récents du marché peuvent offrir des nicotinémies équivalentes à celles d’une cigarette (pharmacocinétique similaire), participant probablement à l’efficacité plus élevée de la cigarette électronique que les NRT (Nicotine Replacement Therapy - patchs, chewing gum…) quant au maintien d’une abstinence tabagique. Plusieurs études randomisées contrôlées de haute qualité ont en effet comparé les NRT à la cigarette électronique, et viennent mettre en lumière un fait certain : une abstinence tabagique à un an de l’ordre de 10%, versus 6% pour le groupe NRT, avec un degré d’évidence élevé (RR 1.59 (1.30-1.93)). Dans une autre RCT de large envergure, on observe que l’abstinence tabagique à six mois (vérifiée biochimiquement) était de l’ordre de 28,4% dans le groupe cigarette électronique, versus 9,6% dans le groupe NRT.

Des mesures strictes

Comparativement aux autres outils d’aide au sevrage tabagique, la cigarette électronique semble offrir des résultats similaires à ceux obtenus avec la varénicline (RR 2.37 (1.73-3.24)). Elle semble corollairement mieux fonctionner que les NRT, ne considérant pas, à nouveau, la dépendance nicotinique, son utilisation a priori prolongée et les autres risques qui y sont associés. Le Pr McRobbie souligne cependant l’importance de la réduction de risque associée au passage de la cigarette à sa version électronique.

En conclusion, soulignons que de larges efforts sont encore à faire en termes de santé publique, la majorité des fumeurs n’utilisant aucun support thérapeutique lors du sevrage. Il semble y avoir une évidence forte que la cigarette électronique puisse aider à l’accomplissement du sevrage, considérant à nouveau la réduction de risque en cas de switch complet vers la version électronique. Cependant, son utilisation est à décourager au maximum chez les non-fumeurs et chez les jeunes, mettant en lumière l’importance de mesures politiques strictes en la matière.

La nicotine...

La Pre Asli Görek Dilektasli, pneumologue à l’université Uludag (Turquie) nous partage à présent son point de vue sur le sujet, challengeant les dires du Pr McRobbie. Force est de constater que la consommation tabagique globale décroit depuis des décennies, indépendamment de l’introduction de la cigarette électronique sur les marchés européens, et sans aucune accélération notable depuis 2007.  

Il convient avant tout de préciser un point important : la nicotine n’est pas inoffensive en elle-même. Cette dernière est inductrice de perturbations métaboliques (notamment sur le plan lipidique), de perturbations cardio-vasculaires (notamment via une toxicité endothéliale) et possède des propriétés carcinogènes. Elle est également responsable d’une moins bonne maturation cérébrale, spécifiquement en cas d’exposition pendant l’adolescence : augmentation de l’incidence des pathologies psychiatriques, moins bonnes performances cognitives, troubles attentionnels.

Effet moins connu, la nicotine est un facteur de risque indépendant pour le développement d’un diabète. Soulignons également les autres dommages potentiels lors d’une utilisation chronique que sont la fibrose rénale, la fibrose cardiaque, la fibrose hépatique.

... et les autres substances

Au-delà de la toxicité nicotinique, les cigarettes électroniques délivrent des centaines de substances nocives pour l’organisme. Ainsi, on dénombre une pléthore de saveurs disponibles sur le marché, à l’origine d’effets cytotoxiques parfois sévères. De nombreuses études in vitro montrent également un vrai potentiel génotoxique, notamment par la formation de carcinogènes tels que les nitrosamines et le formaldéhyde. À l’appui, une large étude de cohorte coréenne de 2024 (incluant > 4 millions de sujets), présentée à la conférence de l’American Thoracic Society. Cette dernière a permis de démontrer que les anciens fumeurs qui vapotaient avaient un risque de développer un cancer pulmonaire augmenté de 2.7 en comparaison avec le groupe contrôle.

Sur le plan clinique, de multiples symptômes s’associent au vapotage : toux, dyspnée, nausées ou encore recrudescence anxieuse. Notons que la cigarette électronique double le risque de bronchite, d’asthme ainsi que d’obstruction des voies aériennes. On peut également retrouver le pattern lésionnel EVALI (E-cigarette and Vaping Associated Lung Injury), réputé pour être propre à la consommation de THC, mais qui s’observe aussi avec les cigarettes électroniques contenant de la nicotine.

 « dual use »

Trois voies distinctes ont été établies pour démontrer le potentiel vicieux de la cigarette électronique. Il s’agit du « gateway effect » (les non-fumeurs qui se mettent à vapoter), du « dual use » (cigarette + version électronique) et enfin du « relapse » (anciens fumeurs qui se remettent à fumer par ce biais).

D’après une large étude de cohorte américaine portant sur plus de 26.000 sujets, l’utilisation de la cigarette électronique est nettement associée au risque d’initiation tabagique chez les non-fumeurs, à la rechute chez les anciens fumeurs, ainsi qu’à l’utilisation duelle chez les fumeurs actifs. Soulignons que l’effet le plus délétère pour la santé humaine est observé avec le « dual use », associé au plus grand risque de développement pathologique.

Trois voies distinctes ont été établies pour démontrer le potentiel vicieux de la cigarette électronique.

Par ailleurs, la revue Cochrane a publié en 2025 une méta-analyse de 90 études arrivant à la conclusion que la cigarette électronique, la varénicline et la cytisine étaient les outils les plus à-même d’aider au sevrage tabagique. Cependant, ces études souffrent de sérieuses limitations avec de multiples problèmes méthodologiques (seulement dix études étaient à faible risque de biais, avec un court follow-up de maximum un an), ainsi que de biais de comparaison. Notons également que le « dual use » a été ignoré, et que 80% des sujets vapotaient toujours activement à un an. Il s’agit donc d’une translation vers une autre dépendance, et nous ne pouvons pas parler de cessation au sens strict.

Considérant notre ignorance des effets sur la santé de la cigarette électronique à long terme et le serment d’Hippocrate (« first do no harm »), la Pre Görek Dilektasli ne conçoit pas d’en faire une promotion bienveillante. Les autorités politiques devraient, selon son avis d’experte, plutôt avoir pour objectif principal de santé publique l’abstinence nicotinique.

Le débat reste ouvert…

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Écrit par Dr Robin Roobaert14 novembre 2025

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