Infectiologie

IAS 2025

Étude IMPALA: CAB/RPV LA efficace chez des adultes avec un mauvais contrôle viral en Afrique subsaharienne  

Lors de l’édition 2025 de l’IAS, la présentation des résultats de l’étude IMPALA a suscité un intérêt considérable. Conduite simultanément au Kenya, en Ouganda et en Afrique du Sud, IMPALA a démontré que les traitements injectables à longue durée d’action combinant cabotégravir et rilpivirine pouvaient rivaliser avec les schémas oraux traditionnels ancrés sur le dolutégravir, même chez des patients ayant connu des difficultés d’observance ou des échecs thérapeutiques par le passé.  

Présentés par la Dre Fiona Cresswell (London School of Hygiene and Tropical Medicine), ces résultats ouvrent une perspective nouvelle : proposer une alternative aux traitements antirétroviraux en prise orale quotidienne pour les personnes les plus fragilisées par le poids du traitement. 

IAS 2025 étude Impala HIV
©  Adobe Stock.

Un contexte marqué par la lourdeur du quotidien thérapeutique 

Depuis plus de 20 ans, les traitements antirétroviraux oraux ont transformé la vie des personnes vivant avec le VIH. Mais leur efficacité repose sur une condition exigeante : la prise quotidienne sans interruption.  

Dans les pays d’Afrique subsaharienne, de nombreux patients se heurtent à des obstacles multiples tels que la distance des centres de soins, le poids de la stigmatisation ou encore la fatigue psychologique liée à la routine médicamenteuse.  

Ces difficultés expliquent qu’un nombre non négligeable de personnes vivent encore avec une charge virale non contrôlée, malgré un traitement prescrit. L’arrivée des thérapies antirétrovirales injectables à longue durée d’action avait fait naître beaucoup d’espoir, mais elles n’étaient jusque-là réservées qu’aux patients déjà stables et virologiquement supprimés.  

Restait donc une question cruciale : ces nouvelles molécules pouvaient-elles fonctionner pour ceux qui, précisément, échouaient à maintenir une suppression virale durable ? L’étude IMPALA a été spécifiquement conçue pour répondre à cette interrogation. 

Étude IMPALA 

Mené auprès de 540 adultes vivant avec le VIH répartis dans trois pays, l’essai a inclus une majorité de femmes (60%). La durée moyenne du parcours thérapeutique des participants s’étendait sur près de huit ans.  

La condition sine qua non pour être inclus dans cette étude était d’avoir connu, au cours des deux dernières années, au moins une charge virale supérieure à 1.000 copies, un antécédent de perte de suivi ou encore un retard dans l’accès aux soins.  

Avant d’être randomisés, tous les participants ont suivi une phase dite de « réintroduction » d’une durée de trois mois, sous un schéma oral classique à base de ténofovir, lamivudine et dolutégravir, afin de vérifier leur capacité à atteindre une suppression temporaire.  

Les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes en traitement de deuxième ligne et celles présentant une hépatite B active étaient exclues. Ce protocole strict permettait de tester le traitement injectable à longue durée d’action dans un cadre à la fois rigoureux et représentatif des réalités cliniques de la région. 

Des résultats probants à 48 semaines 

Après 48 semaines de suivi, les résultats observés sont sans appel : 91% des participants sous CAB/RPV LA avaient atteint une charge virale indétectable, contre 89% dans le bras oral classique.  

Cette quasi-égalité atteste de la non-infériorité de CAB/RPV LA et démontre que l’efficacité sur le plan virologique du traitement injectable à longue durée d’action est tout à fait comparable à celle observée sous traitement oral quotidien classique. 

Des analyses en sous-groupes pour un éclairage encore plus intéressant  

Au-delà de ce constat global, l’analyse des sous-groupes offre un éclairage encore plus intéressant. 

Chez les femmes comme chez les hommes, les taux de suppression virale se sont avérés quasiment identiques, avoisinant les 90% dans les deux bras de traitement, ce qui démontre que le sexe n’influence pas la réponse thérapeutique.  

Les inquiétudes initiales portaient surtout sur l’efficacité chez les personnes ayant un indice de masse corporelle élevé, car on redoutait une absorption moins optimale du traitement antirétroviral injectable. Les données, au contraire, se sont révélées rassurantes : les patients en situation d’obésité ont même obtenu les meilleurs résultats, avec un taux de suppression de 94% sous injectables contre 90% avec les comprimés. Cette performance dépasse celle des patients de poids normal confirmant que les formulations injectables fonctionnent au moins aussi bien, sinon mieux, chez les individus corpulents.  

L’âge est également apparu comme un facteur différenciant. Les plus jeunes, en particulier ceux de moins de 30 ans, ont présenté des taux légèrement inférieurs, autour de 88% dans les deux bras, traduisant peut-être une persistance des difficultés d’adhésion au traitement.  

Les personnes plus âgées, notamment au-delà de 40 ans, ont en revanche affiché des résultats remarquablement solides : 93% de suppression sous injectables, contre 91% sous traitement oral. 

Chez les participants ayant connu des parcours thérapeutiques complexes, qu’il s’agisse d’échecs virologiques passés ou d’interruptions de suivi, les résultats se sont également révélés probants. Les patients avec des antécédents d’échec ont atteint 90% de suppression virale sous injectables, contre 87% avec les comprimés, tandis que ceux qui avaient été perdus de vue par les services de santé ont retrouvé des taux de contrôle autour de 92% sous injectables, contre 90%.

Ces chiffres indiquent que les injectables pourraient constituer une option particulièrement adaptée pour les personnes ayant eu des difficultés d’observance par le passé.  

Enfin, l’analyse par pays a montré une remarquable homogénéité. Qu’il s’agisse du Kenya, de l’Ouganda ou de l’Afrique du Sud, les résultats se sont situés dans une même fourchette, entre 89 et 92%, confirmant la robustesse de cette stratégie thérapeutique dans des contextes sanitaires variés. 

Dans l’ensemble, ces résultats renforcent l’idée que le traitement injectable à action prolongée peut offrir une réponse universelle, efficace à travers les âges, les sexes, les profils cliniques et les contextes nationaux. Le fait que les personnes obèses, longtemps considérées comme un groupe à risque de moindre efficacité, obtiennent les meilleurs résultats constitue un message particulièrement fort.  

L’homogénéité observée entre les pays ajoute à la crédibilité des données et soutient l’hypothèse d’une mise en œuvre à grande échelle sur le continent africain. 

La question des résistances 

Quelques cas d’échec thérapeutiques ont toutefois été observés.  

Cinq patients du bras traitement injectable ont connu une reprise virologique. Quatre ont pu être analysés par séquençage, révélant une résistance marquée au cabotégravir et, dans trois cas, également à la rilpivirine.  

Loin de constituer une impasse thérapeutique, ces patients ont été replacés avec succès sous traitement oral, et quatre ont retrouvé une charge virale indétectable grâce au schéma ténofovir/lamivudine/dolutégravir, tandis qu’un cinquième a bénéficié d’une trithérapie alternative à base de lopinavir.  

Ces épisodes rappellent que même avec des solutions innovantes, le risque de résistance n’est jamais nul, et qu’une surveillance attentive reste indispensable. Ils soulignent aussi l’importance d’avoir toujours des options orales de repli accessibles et efficaces.

Un potentiel transformateur 

Au-delà de cette avalanche de chiffres, l’étude IMPALA fait écho à une réalité pressante. Selon l’Onusida, plus d’un million de personnes en Afrique de l’Est et australe vivent avec une infection par le VIH non contrôlée, malgré un traitement antirétroviral.  

Pour elles, la possibilité de recevoir un traitement injectable à longue durée d’action plutôt que d’avoir à avaler chaque jour une pilule qui rappelle la maladie pourrait représenter un véritable tournant. Les bénéfices attendus sont multiples : simplification du quotidien pour les patients, réduction de la stigmatisation liée à la prise visible de comprimés, allègement de la charge de travail pour les soignants et, potentiellement, amélioration globale de l’efficacité des programmes de santé publique. 

Quelques défis et perspectives  

L’enthousiasme ne doit cependant pas occulter les défis qui se dressent. Le coût de ces nouvelles formulations, la complexité de leur distribution, la nécessité de former les équipes médicales et d’adapter les infrastructures sanitaires, représentent autant de barrières.  

Des groupes entiers de population, notamment les femmes enceintes ou allaitantes et les personnes vivant avec l’hépatite B, n’ont pas encore été étudiés. Leur exclusion laisse subsister des zones d’ombre, que de futurs essais devront éclaircir.  

La gestion de la résistance virologique reste également une question sensible. Bien que les cas aient été rares et contrôlés, il faudra définir des stratégies claires pour identifier rapidement les patients en échec et leur proposer une alternative adaptée. 

CAB/RPV LA: une option efficace et surtout réaliste  

Les résultats de l’essai IMPALA montrent que les traitements injectables à longue durée d’action constituent une option réaliste et efficace pour des patients souvent laissés en marge des succès de la thérapie orale classique.  

Leur efficacité homogène à travers les âges, les sexes, les pays et même les profils cliniques les plus complexes laisse entrevoir un avenir où la prise en charge du VIH en Afrique pourrait franchir un cap décisif. La perspective est enthousiasmante : soulager le quotidien des patients, alléger la pression sur les systèmes de santé et, surtout, offrir à des millions de personnes une chance supplémentaire de vivre sans la menace constante d’un virus actif.  

Reste désormais à transformer cette promesse en réalité grâce à une volonté politique, un engagement financier et une organisation adaptée. 

Réf: Cresswell FV et al. Abstract OAS0105LB, IAS 2025, Kigali  

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Écrit par Dr Jean-Luc Schouveller5 septembre 2025
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