Réduire la viande rouge : un double bénéfice pour la santé et le climat
Si l’ensemble de la population belge respectait les recommandations du Conseil supérieur de la Santé (CSS) en matière de consommation de viande rouge et transformée, les émissions de gaz à effet de serre du pays baisseraient de 1,4 million de tonnes de CO₂ équivalent par an. Parallèlement, l’incidence du cancer colorectal pourrait reculer de 10 %. C’est la conclusion d’une analyse menée par le groupe santé de l’ASBL The Shifters Belgium, sur base de données récentes de Sciensano.
Laurent Zanella
L’enquête nationale publiée par Sciensano met en évidence des niveaux de consommation largement supérieurs aux seuils recommandés. Les Belges consomment en moyenne 333 grammes de viande rouge (bœuf, porc, mouton…) par semaine, pour une limite fixée à 300 grammes. Quant à la viande transformée, type charcuterie, la consommation atteint 190 grammes hebdomadaires, soit plus de six fois la dose maximale recommandée (30 grammes).
Ces excès ne sont pas sans conséquences. La viande rouge est une source majeure d’émissions de gaz à effet de serre. Mais c’est surtout son impact sanitaire qui inquiète. « La cancérogénicité de la viande transformée comme la charcuterie n’est pas assez connue dans notre pays. Elle est pourtant parfaitement démontrée scientifiquement », rappelle le Dr Petit, oncologue. Et de poursuivre : « L’étude de Sciensano montre que plus de 90 % de nos concitoyens dépassent les apports recommandés. Il faut faire un effort de sensibilisation pour réduire les cas de cancers colorectaux dans la population belge. »
1,4 million de tonnes de CO₂eq évitables par an
En croisant les données de consommation avec les facteurs d’émission de la base Agribalyse, The Shifters Belgium estiment qu’un retour aux niveaux recommandés permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 1,4 million de tonnes de CO₂eq chaque année. Cela correspond à environ 1,5 % des émissions totales du pays, soit l’équivalent de l’empreinte carbone de 125 000 à 155 000 Belges (l’équivalent d’une ville comme Namur).
L’enjeu est aussi sanitaire. En s’appuyant sur une étude allemande récente, pays dont les données de consommation sont proches de celles de la Belgique, The Shifters Belgium estiment que cette réduction permettrait d’éviter 800 nouveaux cas de cancers colorectaux par an d’ici 2050, pour un total cumulé de près de 20.000 cas évités. Ce chiffre est cohérent avec les estimations du CSS, qui évoquait déjà en 2013 la possibilité de prévenir jusqu’à 1.200 cas annuels.
Enfin, on notera que le coût économique de ce cancer reste considérable : deuxième cancer le plus onéreux du pays, il représentait 467 millions d’euros de dépenses de santé en 2018.
Pour Quentin Lancrenon, porte-parole des Shifters Belgium, la prévention passe par l’implication collective : « Modifier les comportements alimentaires, c’est difficile et cela ne se décrète pas. Il faut faire preuve de pédagogie et impliquer les acteurs de terrain pour passer les messages de prévention. Nous avons tout à gagner car il s’agit de ce que l’on appelle un co-bénéfice : une mesure qui atténue le dérèglement climatique et qui diminue le risque de cancer. »