Des ordonnances "culture", à l'instar des certificats "bain de forêt" ou "visite au musée"

25 juin 2025 - De plus en plus d'initiatives de thérapies non médicamenteuses (TNM) se font jour, sous nos latitudes. Ainsi, après les prescriptions "nature" à Sprimont (Liège), le "sport sur ordonnance" à la Maison médicale de Houyet (Namur) ou encore les "ordonnances muséales" à l'hôpital Brugmann (Bruxelles), c'est Spa, la ville d'eaux, qui fait parler d'elle, par la voix de son député wallon Charles Gardier, qui va porter la culture en remède pour la santé mentale, ce jeudi, lors du Conseil communal. Une initiative qui pourrait faire florès.
Les alternatives aux traitements par médicaments se multiplient en Wallonie, depuis le post-covid, en remplacement ou à titre complémentaire aux petites gélules, surtout pour les pathologies en santé mentale (dépressions, burn out) dont le nombre, on le sait, explose dans toutes les strates de la population.

Charles Gardier, ex-"Monsieur Francofolies de Spa" qui a cofondé le festival musical en Belgique et est devenu entre-temps député wallon (MR) et communautaire, en est, lui aussi, convaincu. Et pour lui, il n'y a pas que la musique qui adoucit les moeurs : dans la motion qu'il présentera jeudi soir à ses collègues spadois, le conseiller communal invite les professionnels de la santé et les structures culturelles locales - centre culturel, bibliothèque, musée, associations artistiques - à collaborer pour construire un réseau local de "prescriptions culturelles". Objectif de ce "certificat culture", qui n'existe pas encore ailleurs en Belgique, apparemment (mais bien au Québec) : améliorer la santé mentale des citoyens en mettant en avant le rôle thérapeutique de la culture.
Dans les travées du Parlement wallon, ce mercredi, Charles Gardier, par ailleurs membre de la commission de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes (PFWB), a développé son idée: "Un partenariat entre les lieux culturels et les spécialistes de la santé doit permettre d'apporter un bien-être non négligeable aux personnes atteintes d'un problème de santé mentale, une visibilité supplémentaire aux œuvres des artistes, mais également de mieux faire connaitre les lieux culturels sur notre territoire."
Une plateforme accessible aux généralistes et aux spécialistes en santé mentale proposerait des places non vendues pour leurs patients
Et comment voit-il les choses, concrètement? Les acteurs culturels (particulièrement nombreux dans cette région avec les Francos ou encore le Royal Festival Spa en théâtre) pourraient mettre à disposition gratuite des places non vendues, via une plateforme accessible aux médecins généralistes et autres spécialistes de la santé mentale, à charge pour ces derniers de prescrire ces activités à leurs patients. Spa présente par ailleurs une spécificité rare: tous ses médecins généralistes collaborent et la ville ne connaît pas de pénurie médicale.
Lire par ailleurs : Un espace médical flambant neuf et novateur au coeur de la ville de Spa
Charles Gardier sollicite également la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région wallonne et l'Aviq afin d'assurer un soutien structurel à ce type d'initiatives, "dans une logique de santé mentale communautaire et de démocratie culturelle".
"L'échelle communale est le bon niveau pour que cette proposition avance concrètement, même si le but n'est pas que ça reste cantonné à Spa", indique-t-il encore. "Une députée germanophone vient d'ailleurs de me dire qu'elle allait soumettre l'idée au ministre de la Culture en Communauté germanophone."
Au musée, en forêt, par la marche...

Pour rappel, en 2022, l'hôpital Brugmann à Bruxelles, s'inspirant du Québec, avait lancé un projet pilote de six mois de "prescription muséale" pour les patients de l'hôpital psychiatrique de jour Paul Sivadon, les billets d'entrée étant pris en charge par la Ville. En région liégeoise, le Centre de santé des Carrières (Sprimont) a lancé, il y a plus d'un an, un concept de "prescription de nature" : "Prescrire de la nature, c’est l’acte d’un professionnel de santé qui va prescrire à un patient, en complément d’un traitement traditionnel, de passer plus de temps en nature", expliquent les médecins de ce centre médical de proximité. En pratique, les patients se voient remettre un carnet composé d’un programme de deux mois d’activités à faire en nature.
Un peu plus bas vers le sud, à Houyet (province de Namur), les médecins de la très dynamique Maison médicale sur Lesse pratiquent depuis longtemps le "Sport sur ordonnance", un dispositif par lequel les médecins prescrivent de l’activité physique aux malades chroniques et aux patients souffrant d'une affection de longue durée (diabète, hypertension artérielle, lombalgie, ostéoporose, cancer…). Des agrès "santé" ont notamment été installés par la bourgmestre le long du Ravel et de la Lesse, à destination des riverains comme des promeneurs.
Autant d'initiatives amenées à percoler dans les prochaines années pour tenter d'améliorer la qualité de vie et le bien-être des patients, et notamment pour affronter le défi des malades de longue durée. En France, le Pr Grégory Ninot est un leader en matière de thérapies non médicamenteuses, notamment via la Société savante des interventions non médicamenteuses (NPIS), dans une vision holistique de la santé.