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Masques, tests et thérapies en suffisance?

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Le ministre en charge du matériel et des traitements anti-Covid19, Philippe De Backer, a fait le point à deux reprises ces derniers-jours. Il veut rassurer quant aux arrivages de masques, tests virologiques et médicaments administrés aux malades, y compris la controversée hydroxychloroquine. Le Collège de médecine générale, de son côté, émet des recommandations sur l'usage des précieux masques en phase avec Sciensano, en particulier la délicate question de la priorisation. Des masques pour toute la population, ce n'est pas pour demain... Or tout cela est nécessaire pour un déconfinement sûr.

La polémique sur les masques, les tests et les traitements a vraisemblablement marqué cette crise pandémique. La pénurie générale en raison de l'impréparation des pays occidentaux qui avaient été épargnés par le MERS et le Sras a fait monter le thermomètre sociétal. Le G20 parle carrément de " carences systémiques des services de santé " (lire sur www.lejournaldumedecin.com). Le " ministre des masques " Philippe De Backer semble pourtant se démener pour assurer un acheminement et un arrivage raisonnables. Peut-on lui accorder le bénéfice du doute ?

130 millions de masques chirurgicaux

Fin de semaine dernière, le ministre a fait commander près de 20 millions de masques chirurgicaux et un million de masques FFP2/FFP3. Depuis la crise, le total des commandes porte sur 130 millions de masques chirurgicaux, dont 27 millions qui ont déjà été livrés. Il faut y ajouter " plus de 25,4 millions de blouses de protection et plus de 53 millions de paires de gants commandés. Environ 250.000 blouses et pratiquement 4,6 millions de paires de gants ont été livrées. En outre, plus de 150.000 écouvillons et 500.000 éprouvettes ont également été livrés. "

Le week-end dernier, M. De Backer déclarait : " Je suis content que nous ayons pu répartir plus de 10 millions de masques chirurgicaux entre les hôpitaux, mais aussi les prestataires de soins qui sont actifs jour après jour sur le terrain, comme les infirmiers à domicile, les dentistes, les sage-femmes et le personnel dans les centres psychiatriques. Les commandes sont en cours et plus important encore, nous constatons que les livraisons et la distribution fonctionnent à plein gaz (" volop draaien"). "

Le défi logistique du testing est " immense ", en particulier pour les médecins et le personnel soignant.

Est-ce suffisant ? Sur le terrain, certains hôpitaux se plaignent, d'autres, comme le CHC Verviers ont des stocks suffisants.

Rappelons que pour le seul GH de Charleroi, la consommation moyenne par semaine est de 22.000 masques chirurgicaux, 1.470 masques FFP2, 372 écouvillons frottis, 9.200 blouses de protection et 288 lunettes de protection. Si on multiplie " bêtement " par 100 hôpitaux, on arrive à, très approximativement, 2,2 millions de masques consommés par semaine. Olivier Véran, le ministre français de la Santé, annonçait le 14 avril que la France en consommait 24 millions/semaine, soit, ramené à la Belgique, approximativement 4 millions... Nous avons demandé cette information vitale au ministère. On estime qu'il faudrait 3 millions de type FFP2 et 15 millions de type "chirurgicaux" par mois. Et même 600 millions par mois pour toute la population à raison de 2 masques par jour.

Pénurie de médicaments

Qu'en est-il au niveau des médicaments indispensables ?

Concernant la fameuse et controversée hydroxycholoroquine/chloroquine, le stock disponible permet de traiter plus de 30.000 patients en hôpital. Le gouvernement conserve un " stock stratégique " en supplément.

Pour ce qui est des soins aux patients en soins intensifs, le ministre estime que " l'ensemble de tous les stocks disponibles et des livraisons planifiées pour ces médicaments suffit largement pour les semaines à venir (ex. : propofol, midazolam) voire même les mois à venir (curare, opiacés), pour autant que tout se déroule comme prévu ".

Une affirmation que nous laissons à la libre interprétation du ministre mais aussi de l'Absym, qui après avoir, par la voix de son président, clamé la pénurie généralisée, a signé fin de semaine dernière un gentlemen agreement avec l'AFMPS (Agence fédérale du médicament et des produits de santé). L'avantage de cette " paix des braves " ? Une communication apaisée et plus transparente entre les " technos " et les médecins de terrain.

Ceci dit, le ministre De Backer reconnaît l'existence de pénurie de médicaments sur les marchés internationaux, mais la Belgique ne serait pas à court de médicaments qui pourraient empêcher le traitement d'un patient Covid-19.

Concernant les tests, ô combien indispensables, le week-end dernier, " au total plus de 46.000 tests ont été distribués jusqu'à présent dans les différents établissements ".

Le groupe cible pour ces tests est le même pour toutes les régions : l'ensemble du personnel soignant et tous les habitants qui n'ont pas encore été testés au Covid-19. Sur 22.000 tests analysés, on enregistre 85% tests négatifs sur le Covid-19 et 15% positifs. La majorité de la population, si on se base sur ce sondage, est donc négative. Ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle au niveau du " herd immunity " d'autant que la faiblesse de l'immunité à long terme et son instabilité fait craindre de plus en plus que nous soyons peu armés pour une deuxième vague pandémique ou pour le déconfinement...

Le défi logistique du testing est "immense", en particulier pour les médecins et le personnel soignant. Il s'agit pour eux d'effectivement prélever les tests dans les établissements, souvent dans des circonstances difficiles.

Priorisation des masques

Le Collège de médecine générale (CMG) est arrivé à un consensus samedi dernier concernant l'usage des différents masques en phase avec Sciensano. De façon générale, l'usage des masques FFP2 doit être réservé aux professionnels de santé qui entrent en contact direct avec des patients suspects ou confirmés de MERS, de tuberculose, de rougeole, de varicelle et de zona.

En plus, dans le contexte actuel d'épidémie de COVID-19, les masques FFP2 doivent être " prioritairement réservés pour le professionnel de santé lors d'actes, traitements et manoeuvres à potentiel aérosolisant chez les patients possibles ou confirmés COVID-191 ". Ces actes sont surtout liés à l'intubation.

Pour éviter une utilisation excessive des masques, il est préférable qu'un seul masque soit porté par 'shift'. " Si, au cours de ce shift, il est probable que le travailleur de santé soit confronté à une procédure génératrice d'aérosols chez un patient possible ou confirmé COVID-19, un masque FFP2 doit être porté dès le début du shift. "

" Les masques chirurgicaux sont recommandés pour les personnes qui portent des soins et/ou de l'aide à des patients COVID-19 possibles ou confirmés à une distance de < 1,5 m, sauf pendant les procédures aérosolisantes ", précise encore le CMG.

Les recommandations dépendent des stocks disponibles. Ainsi, si les stocks le permettent (lire plus haut), ont droit aux masques, par ordre décroisant : le personnel soignant dans les unités non-COVID-19, les maisons de repos et les autres collectivités résidentielles lors des contacts étroits avec les résidents/patients et la personne chez laquelle des symptômes d'infection aiguë des voies respiratoires inférieures ou supérieures apparaissent ou s'aggravent lorsque le patient a des symptômes respiratoires chroniques ainsi que les prestataires de services d'ambulance dans les ambulances non-COVID. Un seul masque chirurgical par shift est recommandé pour ces masques-ci également.

Quid des masques de confort ? " Compte-tenu de la vitesse à laquelle ce type de masque de confort se détériore, les indications d'emploi recommandées sont limitées par exemple aux membres de la famille en visite auprès d'un patient immunodéprimé. "

Dans le contexte de l'épidémie COVID-19, ces masques peuvent également être utilisés de la même façon qu'un masque en tissu.

Justement : le port d'un masque en tissu protège l'entourage beaucoup plus que le porteur. Puisque les soignants s'approchent à un moins d'un mètre cinquante (cette distance même étant sujette à débat : on parle plutôt de 4 m), ils devraient idéalement bénéficier d'un masque chirurgical, ou à défaut à tout le moins un masque en tissu voire " de confort " (tee-shirt transformé par exemple). L'objectif est d'éviter la transmission par porteur asymptomatique. " Il reste de la plus haute importance que chaque personnel soignant qui présente des symptômes soit testé et/ou soit isolé, selon les directives en vigueur. "

L'utilisation des masques dans les autres secteurs suivent une priorisation logique : morgues, buanderies industrielles, femmes de ménage au contact, résidents de MR(S), police ou toute personne qui ne peut pas respecter la distanciation sociale d'1m50. On pense par exemple au réassortisseurs et caissières de supermarché.

Conclusion : on est très loin de distribuer des masques à toute la population comme en Asie du nord-est...

Aucune facture pour les patients Covid-19

Solidaris demande une prise en charge intégrale par l'assurance maladie des frais de soins de santé pour les patients Covid-19 hospitalisés.

" Le gouvernement fédéral a débloqué une avance de trésorerie d'un milliard d'euros pour permettre aux hôpitaux de faire face aux coûts exceptionnels et à la perte de recettes découlant de la crise sanitaire. Cette mesure était nécessaire. Il est en effet essentiel que les hôpitaux et les soignants puissent se concentrer sur le combat contre le coronavirus sans avoir à se préoccuper de questions financières ", estime l'organisme assureur socialiste.

Pour rappel, aucun supplément d'honoraires ou de chambre ne peut être attesté aux patients Covid-19 hospitalisés en soins intensifs ou en chambre particulière pour raison médicale. " Si ces patients sont en principe protégés par la réglementation actuelle contre les suppléments, ce n'est pas le cas pour les tickets modérateurs sur les médicaments, le prix de journée et certains honoraires des médecins ", relève Jean-Pascal Labille. "Pour ces patients qui doivent séjourner deux à trois semaines à l'hôpital, la facture peut être conséquente."

Selon la même logique qui prévaut pour les honoraires de triage en ambulatoire pour lesquels aucun frais n'est facturé au patient, Solidaris demande que les patients Covid-19 soient immunisés de l'ensemble des tickets modérateurs lors de leur séjour à l'hôpital. " Les patients Covid-19 étant clairement identifiés par un code spécifique, les hôpitaux pourraient facturer directement à l'assurance maladie 100% de la facture, tickets modérateurs compris, le patient n'ayant alors rien à payer ", propose Solidaris.

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