Congrès du CMG
Pourquoi s'engager dans une instance représentative des médecins?
Dur dur, ces dernières années, de dégoter de nouvelles recrues au sein des instances qui représentent la profession médicale... Que ce soient les sociétés scientifiques comme la SSMG, les syndicats médicaux, les départements de médecine générale dans les universités ou encore les différentes fédérations d'associations médicales, tout le monde est à la peine quand il s'agit de trouver de jeunes médecins pour assurer la relève...
Engagez-vous, qu'ils disaient... Oui, mais à quoi bon? L'engagement était l'un des thèmes retenus par le Collège de médecine générale (CMG) à l'occasion de son congrès 2025. Le sujet a notamment été abordé, de façon très pratique, lors d'un atelier emmené par des membres de la SSM-J (la coupole 'jeunes médecins' au sein de la SSMG) et de l'AMGF (Association des médecins généralistes en formation).
Pas mal de médecins avaient répondu présents, dont de « vieux briscards » rompus à l'exercice de la représentativité professionnelle, mais aussi pas mal de jeunes généralistes et assistants dont - qui sait - le visage vous sera peut-être familier d'ici quelques années quand il s'agira de monter au créneau pour défendre la médecine générale.
FAITES L’EXERCICE AUSSI
Que vous inspire la notion d'engagement ? Et celle d'instances ? Et enfin, que vous évoque « représentation » ?
Faites l'exercice, puis comparez avec ces mots clefs proposés lors de l'atelier:
- Engagement = du temps, servir, dans la durée, responsabilité.
- Instances = austère, sens du compromis, hypermotivant, groupe, passionnant.
- Représentation = démocratie, voix, hypocrisie, légitimité, nécessaires, liberté.
Trop peu de renouvellement
Petit retour sur le contexte, tout d'abord, pour mieux comprendre. La représentativité professionnelle est aujourd'hui à la croisée des chemins (et pas seulement dans le monde médical...). La force de travail issue de la période « pléthore » médicale vieillit, et le renouvellement des effectifs est insuffisant. C’en devient inquiétant.
La pénurie de jeunes dans les instances va de pair avec un déséquilibre générationnel : 70% des postes dans les instances de médecine générale côté francophone sont, selon une étude de 2021, occupés par des médecins de 40+ ans, mettant en péril, à terme, sa représentativité. Il faut donc encourager les jeunes à s’impliquer dans les institutions représentatives. Il est essentiel de les mobiliser pour assurer, demain, la continuité de la gouvernance professionnelle par et pour ceux et celles qui composent la profession.
Tous embarqués dans un bateau
L'AMGF et la SSM-J ont décliné l'atelier sous forme participative, en partant de la métaphore d'un bateau comme représentation de la notion d'engagement.
Trois groupes se sont formés pour brainstormer, chacun encadré, spontanément, par des médecins impliqués de longue date comme le Dr Paul De Munck, la Dre Anne Gillet, la Dr Hanna Ballout, la Dre Élodie Brunel, le Dr Paul Vollemaere, le Dr Guy Delrée, le Dr Patrick Jadoul... Le résultat de ces réflexions pourrait vous inspirer, vous aussi, au sein de vos cercles, Glems et dodécagroupes pour motiver de potentielles jeunes recrues.
Premier exercice, ajouter des rames (= les jeunes) à l'embarcation, comme représentation des forces intrinsèques. Ces forces peuvent être un désir de changement, d'amélioration, de sentiment d'appartenance ; une soif d'apprendre ou la recherche de sens qui puisse nourrir le quotidien et la créativité. Une façon, aussi, de diversifier son activité et de participer à quelque chose de plus grand, « d'avoir la sensation de pouvoir agir plutôt que de rester là à regarder », précise un participant. 'Justice sociale' et 'amélioration des conditions de travail' sont également des termes qui reviennent dans l'assemblée.
La colère peut aussi constituer un moteur d'engagement, une colère née de frustrations par rapport à certains modes de fonctionnement que l'on aimerait voir changer, changer pour un mieux, 'corriger ce qui ne nous plaît pas' - « J'ai commencé le syndicalisme sur un coup de colère par rapport à ce qui se passait », témoigne le Dr De Munck, président honoraire du GBO.
La stimulation intellectuelle, le surpassement de soi, l'amélioration des systèmes et de la médecine, la diversité des pratiques, l'entraide et la solidarité, l'amour du métier et l'accomplissement tant professionnel que personnel sont également énumérés par plusieurs participants. « L'engagement donne de la force et du courage, davantage de sens à sa profession, plus de justice et d'équité. Ça permet d'avoir une perspective, une vision plus large, de faire entendre sa voix en témoignant au bon endroit. Cela peut dès lors diminuer l'épuisement professionnel », suggère un médecin. Dans les discussions, il est aussi question d'échanges entre les générations, de rencontres, d'amitiés professionnelles, voire de 'compagnonnage' et de 'mentorat'.
Ce vent qui nous pousse
Les médecins doivent à présent ajouter du vent dans les voiles de leur bateau comme symbole des forces extérieures.
Le rôle du maître de stage est évoqué: s'il est lui-même engagé dans des instances, il constitue un modèle fort aux yeux des jeunes médecins. La notion de 'mentor' revient dès lors dans la discussion, ainsi que l'idée de la valorisation de l'engagement par les pairs, par son entourage proche, voire par les patients eux-mêmes. Mais les mentors se font rares... Le Dr De Munck rappelle le « gap » actuel de médecins âgés d'entre 40 et 55 ans, moins présents pour cause de pénurie à combler. Les plus jeunes, eux, peuvent chercher à préserver leur vie privée, bien conscients « qu'il leur faudra 'mordre dessus' s'ils s'engagent... »
La pratique en groupe permet de libérer du temps, et donc une disponibilité pour s'engager, constate une médecin. Travailler en groupe, en réseau, est une force; rejoindre des gens qui partagent des valeurs communes, se raccrocher à ce qui existe déjà, et notamment à des structures représentatives saines, flexibles et ouvertes, qui fonctionnent bien, peut être motivant. Aux instances représentatives, aussi, de bien communiquer sur leur existence pour se faire connaître, « d'organiser des rencontres, notamment avec des personnes engagées, pour faire connaître leurs objectifs et réserver un bon accueil aux 'petits' nouveaux », conseille une jeune femme. Se sentir accompagné, guidé dans son combat, 'légitime parmi les anciens', obtenir leur confiance et des responsabilités aide à se faire une place.
Enfin, la digitalisation, dopée depuis la pandémie de covid, est aussi une force puisqu'elle permet de limiter les déplacements pour des réunions et de diminuer la fatigue liée à l'engagement.
Aïe, iceberg en vue !
Les freins extérieurs sont symbolisés par un obstacle: un rocher, un iceberg menacent l'embarcation déjà fragile... L'entre-soi, les mêmes visages partout dans différentes instances, la rudesse des échanges parfois, l'inertie liée au fait qu'on a toujours fait comme ça' ou encore la non-visibilité de certaines structures, peuvent endiguer le plus grand des enthousiasmes. Certains regrettent un système qui paraît fermé - « C'est comme s'il fallait un mot de passe pour comprendre comment on rejoint une instance ! » ; des femmes soulèvent la question du patriarcat, de l'ego et de la misogynie ambiante, parfois...
Par ailleurs, la complexité - des instances, de la 'lasagne' institutionnelle, du bilinguisme en Belgique et du bruxello-centrisme -, le court-termisme des politiques et la longueur de l'engagement avant de pouvoir espérer en maîtriser les codes et dossiers peuvent aussi décourager. « Nous engrangeons des acquis qui ne sont pas forcément de grandes victoires, cela peut être peu motivant », reconnaît Anne Gillet, vice-présidente du GBO, qui rappelle qu'il a « fallu 30 ans pour avoir des élections médicales quand parfois on voudrait que le changement s'opère demain. » Enfin, le peu de reconnaissance des confrères et le fait de devoir toujours courir après les cotisations - qui permettent pourtant de payer (chichement) l'engagement - sont autant de freins.
Destination en vue: les leviers et actions
Il est à présent temps de jeter l'ancre, symbole des freins intrinsèques. Là, les participants rament... La peur de ses idéaux ? De perdre son idéalisme, voire de devenir cynique ? Le risque de surengagement? Trop de portes, aussi, possiblement à ouvrir, pour un jeune médecin qui débute... (ONE, plannings familiaux, associations diverses...)
Et si les instances, créées en pleine pléthore, ne correspondaient plus au monde actuel? Un levier serait de les moderniser, tout comme prévoir une formation dès le cursus universitaire ou en formation continue accréditée. Et pourquoi ne pas imaginer un algorithme, un arbre décisionnel qui aiderait chacun.e à déterminer vers quel type d'instance se diriger en fonction de ses affinités? Les associations pourraient aussi venir à la rencontre des jeunes - « le plus tôt possible », dès l'unif - pour les sensibiliser à l'utilité de la représentativité, voire les parrainer, tel un marchepied vers l'engagement.
Enfin, une interrogation légitime est apparue une fois arrivés à destination: l'engagement protège-t-il du burn-out... ou y mène-t-il ? Vous avez deux heures...
