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Étude Maha : le calme avant la tempête ?

Après deux ans dans le rouge, la situation financière des hôpitaux s'améliore légèrement en 2024, ressort-il de l'étude 'Model for Automatic Hospital Analyses' (MAHA) publiée par Belfius. Mais les hôpitaux en général restent fragiles et le secteur demeure inquiet car la trésorerie de nombreuses institutions n’est pas brillante. Ainsi, 37 hôpitaux sur 80 présentent encore un déficit.

Le premier constat du rapport Maha est évidemment la poursuite de la transition vers l’hospitalisation de jour. C’était le but. Celle-ci se renforce. Le nombre d’admission dans cette catégorie progresse de 2,9 % sur un an. Elles atteignent désormais le chiffre de 764.000 interventions. Les activités non chirurgicales progressent de 6,1 %. Les urgences, recensées pour la première fois, totalisent 3,7 millions d'inscriptions, dont 46 % débouchent sur une hospitalisation classique (au moins une nuitée).

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Baisse des coûts énergétiques

Grâce à la baisse des coûts énergétiques notamment (-35 % soit 130 millions d’euros), le déficit global du secteur est ramené à -29 millions d'euros (-0,1 % du chiffre d'affaires), contre -174 millions d'euros en 2023. Cette amélioration tient aussi à la progression du chiffre d'affaires plus rapide (21,8 milliards, +6,3 %) que celle des coûts (23,7 milliards, +5,8 %), à des recettes dynamiques issues des honoraires médicaux (+8,3 %) et des produits pharmaceutiques (+8,5 %).

Globalement, la Flandre apparaît en meilleure situation que la Wallonie, qui elle-même devance Bruxelles. Mais malgré cette embellie, le résultat courant reste déficitaire à -42 millions d’euros. Ce qui démontre la fragilité du secteur. Seules 18 institutions parviennent à générer une marge courante supérieure à 1 % du chiffre d'affaires mais 37 hôpitaux sur 80 présentent un déficit.

Le secteur est soutenu par un résultat exceptionnel de 289 millions d’euros, notamment grâce au rattrapage opéré par la Santé publique et les aides liées à la crise sanitaire (lire infra). « La structure bilantaire demeure relativement solide, avec une solvabilité moyenne de 24,6 % et un endettement financier de 32,1 %. Toutefois, la moyenne masque de fortes disparités : 30 hôpitaux affichent un niveau de fonds propres inférieur au seuil de 20 %, et 21 institutions présentent un taux d'endettement supérieur à 40 %. »

La pénurie reste un problème avec 1.756 postes soignants vacants

Les coûts salariaux progressent de manière limitée (+4,6 %), ce qui s'explique par une augmentation très minime du nombre d'équivalents temps plein (+0,4 %). La pénurie reste un problème avec 1.756 postes soignants vacants, aggravé par un fort absentéisme (11,5 %).

Même si les investissements sont importants (1,2 milliard dans les hôpitaux généraux et 1,7 milliard dans les hôpitaux universitaires), ils passent un peu à côté de l’innovation (transformation digitale, cybersécurité, IA, efficacité énergétique…).

Conclusion : les hôpitaux respirent, à en croire l’étude Maha mais le retour à l’équilibre n’est pas pour demain d’autant que la baisse du personnel statutaire actif pourrait coûter 283 millions d’euros.

Réforme de la nomenclature et du financement

Frank Vandenbroucke, présent à la présentation du rapport aux directeurs d’hôpitaux, a insisté sur les « montants de rattrapage » qui s’élèveront à 721 millions d’euros en 2025, soit environ 380 millions d'euros de plus qu'en 2024 et près de 540 millions d'euros de plus qu'en 2023. Un argument massue pour le ministre socialiste. Ces montants de rattrapage ont déjà été brandis par le ministre pour calmer le secteur hospitalier.

Le ministre espère des gains d’efficience via l’hôpital de jour d’ici le 1er janvier 2027 d’un montant de 47 millions. Mais le budget des hôpitaux sera réduit d’autant. Vandenbroucke affirme que l’effort fédéral pour le BMF (budget des moyens financiers) a été deux fois supérieur au taux de croissance du PIB réel.

« Si tout se passe comme prévu, la réforme de la nomenclature et la réforme du financement des hôpitaux devraient être achevées d'ici 2028 », a-t-il déclaré. « Les derniers préparatifs scientifiques de la réforme de la nomenclature sont en cours de finalisation ; ensuite, en 2026, nous prendrons le temps de mener des consultations approfondies pour poursuivre la préparation de la mise en œuvre technique. »

Le ministre pointe les différences entre hôpitaux: « Certains hôpitaux peuvent investir et constituer des réserves, tandis que d'autres doivent verser chaque euro pour équilibrer leurs comptes. » Il a cité plusieurs facteurs pour expliquer ces différences : la répartition des cas, les frais de personnel, les coûts des pensions et l'accès au crédit.

Des suppléments d’honoraires à la tête du client ?

Le plafonnement des suppléments d'honoraires a également été évoqué. « La suppression progressive des suppléments d'honoraires reste un objectif important dans un système de soins de santé financé par la solidarité. À ce jour, je n'ai toujours pas d'explication fondée quant à la raison pour laquelle tant de suppléments sont demandés dans certains hôpitaux et pas dans d'autres. »

Le ministre a reçu une première ébauche de données chiffrées de la part de plusieurs organisations faîtières. « Celles-ci confirment en réalité qu'il n'y a pas de corrélation entre le montant des suppléments, le niveau des versements (tant sur le tarif de base que sur les suppléments), le résultat financier et le chiffre d'affaires des hôpitaux. »

Les vulnérabilités s’accentuent

Pour santhea, la puissante fédération patronale des établissements et services de soins du secteur public, du secteur privé non confessionnel et non commercial, les vulnérabilités s’accentuent : « Si les chiffres 2024 semblent moins dégradés qu’en 2023, cette stabilisation apparente demeure fragile, en particulier pour les hôpitaux wallons », analyse la fédération. Derrière les équilibres comptables se cachent des tensions structurelles qui appellent une action politique urgente et ciblée.

En effet, selon Yves Smeets, DG de santhea, « l’amélioration des résultats 2024 provient essentiellement de facteurs extérieurs : la baisse de l’inflation, et en particulier la diminution des coûts énergétiques et le résultat exceptionnel important, gonflé essentiellement par les révisions (dont les régularisations liées aux aides covid). Sans ces contributions ponctuelles, le résultat d’exploitation et le résultat financier resteraient nettement insuffisants. Les coûts d’exploitation continuent d’être supérieurs aux recettes d’exploitation - une situation qui ne peut être compensée indéfiniment ».

Santhea appelle donc à adopter une vision pluriannuelle structurée et régionale de l’offre hospitalière et un modèle de financement qui tienne compte des réalités sociales et démographiques propres à la Wallonie. Elle réclame également une solution pérenne et équitable pour les pensions statutaires, afin de préserver les institutions publiques (prendre les problématiques d’attractivité et d’absentéisme à bras le corps) ainsi qu'un cadre stable pour les investissements, indispensable à la modernisation et à la qualité des soins.

« Calme précaire avant la tempête » 

La coupole bruxelloise Gibbis, quant à elle, voit carrément dans cette embellie « un calme précaire avant la tempête ». En effet, la stabilité annoncée demeure « médiocre » si on tient compte du fait que près d’un milliard d’euros d’économies sont annoncés en 2026 dans le budget des soins de santé. « Le modèle hospitalier bruxellois se caractérise par une patientèle plus précaire et par des missions de soins structurellement plus lourdes dans les centres d'expertise. Le poids des pensions statutaires explique le résultat courant largement plus déficitaire de Bruxelles (-1,89 % contre -0.2 %).

Gibbis espère évidemment la mise en place d’un gouvernement bruxellois : « La région bruxelloise a besoin d'un interlocuteur politique fort, capable de porter et d'orchestrer la mise en œuvre des réformes indispensables. Le secteur hospitalier bruxellois prend ses responsabilités. La politique doit désormais prendre la sienne. »

>> L’analyse Maha de Belfius est basée sur les chiffres Finhosta de 2024 provenant de 80 hôpitaux généraux, donc hors hôpitaux universitaires. Pour le premier semestre 2025, 61 hôpitaux ont déjà partagé leurs données.

Maha 2025 en bref :

- La transition vers l'hospitalisation de jour se poursuit.
- Bien qu’en amélioration, le résultat courant se maintient dans une zone de fragilité financière.
- L’apport du résultat exceptionnel permet de redresser le résultat de l’exercice.
- Le secteur reste confronté à une pénurie de personnel et à un absentéisme de longue durée.
- Le volume d’investissement est dominé par la réalisation de quelques grands projets.

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Écrit par La rédaction (C.V., E.D., N.d.P.)25 novembre 2025

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