Étude MAHA 2025
Unessa: « On devra râper dans l’os si rien ne change »
"L’édition 2025 de l’étude MAHA de Belfius confirme que le résultat courant de nos hôpitaux belges reste négatif, même s’il est un peu moins mauvais que l’année précédente", réagit la fédération Unessa. "Ce léger mieux ne doit toutefois pas masquer la réalité : nos hôpitaux restent en (graves) difficultés."
"Le résultat courant de nos hôpitaux reste dans le rouge. Son amélioration n’est qu’apparente, liée principalement aux coûts de l’énergie, alors que les hôpitaux ont déjà épuisé leurs marges de manoeuvre internes", analyse l'Unessa, en marge de la présentation des résultats 2025 de l'étude MAHA. Et d'appeler à "une réforme rapide, sécurisée et lisible du financement et du paysage hospitalier."
Investissements et recrutements en rade
« On pourrait se réjouir en voyant un déficit en recul. En réalité, ce n’est pas le signe d’un redressement structurel. C’est principalement l’effet mécanique d’une facture énergétique moins lourde et, dans une moindre mesure : de rattrapages du passé, d’un ralentissement de l’inflation et de mesures d’économie poussées au maximum. Les hôpitaux ne savent plus où couper sans mettre en danger la qualité et l’accessibilité des soins. On était à l’os, on devra râper dans l’os si rien ne change », explique le Dr Philippe Devos, directeur général d’Unessa.
L'apparente amélioration du résultat courant dissimule "deux évolutions interpellantes" : le fait que les hôpitaux décalent ou renoncent à des investissements essentiels (équipements, infrastructures, technologies, transition énergétique) d'une part et, par ailleurs, le fait que "plusieurs hôpitaux ont déjà gelé des recrutements, n’ont pas remplacé certains départs ou ont ajusté leurs effectifs", s'inquiète l'Unessa.
« Si malgré la baisse des coûts énergétiques et des efforts sur les investissements ainsi que le personnel, le résultat reste dans le rouge, c’est que le modèle est structurellement déséquilibré. Ce n’est pas en demandant encore aux hôpitaux de “faire toujours plus avec toujours moins” que nous résoudrons le problème », insiste Philippe Devos.
"Aucune marge pour absorber les chocs"
Les résultats montrent que les marges d’efficience internes sont largement épuisées :
- Les économies de fonctionnement et d’organisation ont déjà été réalisées ;
- Les gains liés aux mutualisations et aux réseaux sont, pour beaucoup, déjà engrangés ou en voie de l’être ;
- Les hôpitaux ont largement puisé dans leurs réserves pour absorber les chocs successifs (pandémie, inflation, énergie, indexations).
"Tous les ingrédients d’une grande fragilité face à de nouvelles crises sont donc présents. En particulier, pour les hôpitaux wallons et bruxellois qui disposent de réserves et de niveaux de solvabilité nettement plus faibles que leurs homologues flamands", poursuit la fédération dans son communiqué.
Quid des réformes ?
L'Unessa regrette le flou, encore et toujours, autour de la réforme du financement et du paysage hospitalier, qui est pourtant censée entrer en vigueur vers 2028. Les conséquences de cette absence de contours sont, elles, bien concrètes: impossible d'en mesurer l'impact ni les risques, dilemme entre incertitudes financières et soins toujours plus pointus, hésitation des CA à lancer de grands projets. "C’est un motif supplémentaire pour les banques de se montrer prudentes pour octroyer des crédits à long terme", regrette l'Unessa.
« Réformer, oui. Mais on ne réforme pas un secteur hospitalier exsangue sans lui donner un cap clair et des moyens. Aujourd’hui, les hôpitaux sont sommés de se transformer alors qu’ils n’ont plus de coussin financier et que les règles du jeu à cinq/dix ans restent floues. Ce sont des injonctions paradoxales. C’est intenable », alerte le Dr Devos.
Vers une refonte du modèle
Pour l'Unessa, il ne s’agit plus de "faire un peu mieux" chaque année, mais bien de refonder le modèle économique hospitalier. Trois dimensions :
1. Le financement : sortir d’un modèle structurellement sous-financé, où un résultat courant légèrement négatif ou à peine positif est devenu la norme, alors que le secteur devrait dégager au moins 2% de marge pour investir et se transformer.
2. Le paysage immobilier et organisationnel : adapter l’infrastructure et l’organisation des hôpitaux aux besoins réels de la population, à la transition ambulatoire, au vieillissement ainsi qu’ à la transition énergétique et climatique.
3. Les ressources humaines : construire un modèle soutenable et attractif pour les équipes, qui sort de la logique d’ajustement permanent sur le dos du personnel.
Et une stratégie politique dans le chef des autorités fédérales et fédérées:
4. publier un calendrier précis et un cadre détaillé des réformes du financement et du paysage hospitalier, en y associant l’ensemble des acteurs ;
5. assurer des conditions de transition soutenables, surtout pour les hôpitaux les plus fragiles (en Wallonie et à Bruxelles), afin d’éviter des faillites ou des ruptures brutales d’offre de soins ;
6. garantir la confiance des partenaires financiers en réduisant l’incertitude réglementaire et en préservant la capacité d’investissement du secteur.