PheumologiePremium

Infections sévères des voies respiratoires inférieures chez le jeune enfant : la prévention comme pierre angulaire

CONGRÈS ERS Si les infections sévères des voies respiratoires inférieures ont un impact majeur sur la santé et le développement du jeune enfant, elles entraînent également des conséquences graves à l’âge adulte, voire une mortalité accrue.

RSV baby
Divers scénarios sont possibles après la phase aiguë, de la guérison complète aux infections pulmonaires récidivantes, jusqu'aux complications chroniques.

C’est ce qu’a expliqué le Pr Stefan Unger (Royaume-Uni) lors du dernier congrès [1] de l’European Respiratory Society (ERS). Chaque année, ces infections sont responsables de plus de 700.000 décès chez les enfants de moins de cinq ans dans le monde, et de 190.000 décès chez les nouveau-nés (UNICEF, 2025). Certains facteurs augmentent la vulnérabilité de l’enfant : la malnutrition (et un faible poids de naissance) et la pollution environnementale, qui jouent un rôle croissant, mais aussi un retard de croissance et l’absence d’allaitement maternel.

À cela s’ajoutent d’autres facteurs de risque, tels que la constitution génétique, des déficits immunitaires, le microbiote respiratoire et l’exposition in utero à certains agents. Le nombre d’infections simultanées ne semble pas influencer significativement la sévérité, mais des différences existent selon les pathogènes impliqués, notamment en cas de surinfection bactérienne (par des pneumocoques, par exemple).

Prédire l’évolution clinique

Divers modèles ont été développés afin de pouvoir prédire, dès l’admission aux urgences, l’évolution de l’infection. Congestion et écoulement nasal seraient ainsi associés à une moindre sévérité, contrairement à la présence de douleurs abdominales, d’un refus de s’hydrater et d’un recours préalable aux antibiotiques dans la pathologie en cours qui signeraient une évolution plus défavorable.

Parmi les signes cliniques importants à considérer, on peut citer notamment le tirage thoracique, la tachycardie (au-delà du 95e percentile) et  l’hypoxémie. À cela peuvent s’ajouter des biomarqueurs comme une CRP élevée, des taux élevés d’IL-6 et d’IL-8. L’âge de l’enfant (inférieur ou supérieur à cinq ans) et la présence de fièvre ont également une valeur prédictive. À l’avenir, l’intelligence artificielle pourrait améliorer la précision de ces prédictions, mais ce n’est pas encore le cas.

Complications chroniques

Plusieurs scénarios sont possibles après la phase aiguë : guérison complète, infections pulmonaires récidivantes, voire des complications chroniques comme une bronchiolite oblitérante, des bronchectasies, un asthme ou une BPCO qui, à leur tour, peuvent entraîner un retard de croissance et de développement, ainsi qu’une sensibilisation allergique accrue.

La bronchectasie est une complication importante, également à long terme : les données sont limitées, mais quasi la moitié des enfants présentent encore des lésions pulmonaires dix ans après l’infection initiale. Dans la bronchiolite oblitérante, 40 à 70 % des enfants présentent des séquelles pulmonaires permanentes, et un sur quatre développe ensuite une bronchectasie, avec du wheezing persistant, une mauvaise réponse aux inhalateurs et une toux chronique, initialement sèche mais qui peut devenir productive par la suite. Ce tableau peut évoluer vers un syndrome de Swyer-James-McLeod : un lobe pulmonaire hyperclair, avec une diminution de la perfusion et de la ventilation.

L’impact sur la mortalité à long terme

Les infections sévères des voies respiratoires inférieures survenant très tôt dans la vie sont associées à une mortalité plus élevée à l’âge adulte. Il existe une corrélation directe entre le nombre d’infections et l’espérance de vie. Les infections pulmonaires au cours de la prime enfance altèrent souvent durablement la fonction pulmonaire, avec des modifications structurelles du tissu pulmonaire. Des études chez la souris ont montré qu’une infection par le VRS à l’âge adulte cause des lésions plus graves (augmentation des dépôts muqueux, des infiltrats inflammatoires et du collagène) si l’animal avait déjà subi une infection sévère des voies respiratoires inférieures au stade juvénile.

La prévention, avec un focus sur le VRS

Le VRS demeure la principale cause de maladies respiratoires sévères chez les nourrissons de moins de cinq mois, avec environ 33 millions d’infections et 3 millions d’hospitalisations par an dans le monde, entraînant 20.000 décès. Le Pr Louis Bont (Université d’Utrecht) plaide pour une immunisation systématique de ce groupe à risque.

À noter qu’outre les enfants qui présentent des facteurs de risque tels qu’une prématurité et/ou des comorbidités, un enfant sur 56 nés en bonne santé nécessite également une hospitalisation suite à une infection par le VRS, et un sur 1.000 doit être admis en soins intensifs. Le VRS constitue la deuxième cause de mortalité infantile dans le monde durant la première année de vie, juste après le paludisme.

« Les infections pulmonaires dans la prime enfance entraînent souvent une altération permanente de la fonction pulmonaire, accompagnée de modifications structurelles au niveau issulaire. »

La protéine F

Les virus se répliquent dans les cellules hôtes en commençant par fusionner avec elles. Dans son cas, le VRS utilise la protéine F, dont il existe deux formes : une forme pré-fusion active mais instable (une fraction de seconde) et une forme post-fusion, la même protéine mais dans une variante qui lui confère une meilleure stabilité. Ainsi, lorsqu’on augmente la stabilité de la protéine F dans sa version pré-fusion, on dispose d'un excellent point d'ancrage pour la vaccination, selon le Pr Bont.

L’immunité efficace contre le VRS est en fait une immunité contre la forme pré-fusion. Ainsi, stabiliser cette forme constitue un excellent objectif pour rendre la vaccination efficace, selon le Pr Bont.

Les stratégies d’immunisation

La vaccination des futures mamans au cours de la grossesse permet une protection néonatale grâce au transfert transplacentaire des anticorps maternels, jusqu'à ce que les voies respiratoires de l’enfant soient suffisamment développées pour pouvoir lutter contre une infection par le VRS. Une récente étude [2] sur le vaccin bivalent [3] avec stabilisation de la protéine F pré-fusion a montré une couverture jusqu’à 150 jours après la naissance, avec une réduction de 70 à 80 % des hospitalisations.

Une autre stratégie consiste à administrer une immunoprophylaxie directe au nourrisson, à l’aide de nouveaux anticorps monoclonaux (mAb) plus puissants comme le nirsévimab. Notamment grâce à la combinaison de trois acides aminés mutés dans la région Fc de l’anticorps, ce mAb présente une meilleure affinité et une demi-vie prolongée jusqu’à environ trois mois. Une seule dose protège le bébé pendant toute la saison du VRS et sa première année de vie. Des données en vie réelle collectées en Espagne ont montré qu’aucune infection ne survenait chez les jeunes enfants traités par nirsévimab, contrairement aux enfants plus âgés et non traités. Un autre mAb prometteur, le clesrovimab, a récemment reçu l’agrément de la FDA et devrait être bientôt disponible chez nous également.

Reste toutefois la question de l’apparition éventuelle de résistances à ces anticorps monoclonaux... Des mutations peuvent apparaître sur la protéine F à l’endroit où se lie le nirsévimab [4], mais c’est plutôt exceptionnel. Il n’est pas encore établi s’il s’agit de mutations spontanées du virus qui lui permettent d’échapper à son éradication, ou si elles sont consécutives au traitement par nirsévimab.

Remarques et références
1. Congrès de l’ERS : https://live.ersnet.org
2. Kampmann B, Madhi SA, Munjal I, et al. Bivalent Prefusion F Vaccine in Pregnancy to Prevent RSV Illness in Infants. N Engl J Med. 2023;388(16):1451-1464.
3. Approuvé en Belgique sous le nom d’Abrysvo®
4. Wilkins D, Langedijk AC, Lebbink RJ, et al. Nirsevimab binding-site conservation in respiratory syncytial virus fusion glycoprotein worldwide between 1956 and 2021. Lancet Infect Dis. 2023;23(7):856-866.

Wat heb je nodig

Accès GRATUIT à l'article
ou
Faites un essai gratuit!Devenez un membre premium gratuit pendant un mois
et découvrez tous les avantages uniques que nous avons à vous offrir.
  • checkaccès numérique aux magazines imprimés
  • checkaccès numérique à le Journal de Médecin, Le Phamacien et AK Hospitals
  • checkoffre d'actualités variée avec actualités, opinions, analyses, actualités médicales et pratiques
  • checknewsletter quotidienne avec des actualités du secteur médical
Vous êtes déjà abonné? 
Écrit par Dre Patricia De Cock14 novembre 2025
Magazine imprimé

Édition Récente
01 décembre 2025

Lire la suite

Découvrez la dernière édition de notre magazine, qui regorge d'articles inspirants, d'analyses approfondies et de visuels époustouflants. Laissez-vous entraîner dans un voyage à travers les sujets les plus brûlants et les histoires que vous ne voudrez pas manquer.

Dans ce magazine