Des directives pour les soins en prison
En sa séance du 12 septembre 2025, le Conseil national de l’Ordre des médecins s’est penché sur la dignité et la qualité des soins en prison, angle mort récalcitrant de notre système de santé.

Pour l’Ordre, l’énoncé de principe ne souffre aucune ambiguïté : « Les détenus ont droit à des soins de santé qui sont équivalents aux soins dispensés dans la société libre et ces soins doivent répondre aux besoins de chacun sans qu’aucune distinction ne soit faite ».
L’Ordre constate des transgressions « de manière systématique » de ce principe, dénoncées par les médecins pénitentiaires eux-mêmes (lire nos récents articles à ce sujet sur notre site). Il juge inadmissible d’ignorer ce problème et appelle le ministre compétent à en faire une priorité.
Des droits effectifs
Premier chantier : garantir, en contexte carcéral, l’effectivité des droits du patient. L’accessibilité doit être renforcée ; un transfert extramuros pour une prise en charge spécialisée ne peut justifier un report de soins nécessaires. Le droit à la vie privée et à l’intimité exige des conditions de consultation adéquates : « La présence d’autres détenus pendant une consultation est inacceptable », insiste le Conseil, tout en admettant, à titre exceptionnel, une surveillance pour la sécurité du soignant.
Le secret professionnel s’applique sans restriction à chaque patient. Hors exception légale, aucune information médicale issue de la relation thérapeutique ne peut être transmise à des tiers sans lien de soin. Là encore, l’Ordre est clair : surpopulation, complexité des pathologies et manque de moyens ne peuvent servir à justifier une entorse aux droits fondamentaux.
Améliorer les conditions de travail des médecins
Deuxième axe : des conditions de travail à la hauteur des responsabilités. « Les conditions de travail actuelles des médecins de prison rendent impossible la prestation de soins de santé conformes à l’état actuel de la science médicale », regrette l’Ordre. Concrètement, il faut pouvoir offrir un espace et des moyens pour une anamnèse et un examen physique complets et tenir un dossier médical rigoureux, via un logiciel métier agréé, interopérable avec les réseaux d’échange.
Troisième pilier : des lignes directrices éthiques de bonne pratique adaptées à la détention. Le Conseil plaide pour des directives spécifiques aux dilemmes carcéraux. Il cite notamment la question des mesures d’isolement : « Pris dans le double rôle de médecin traitant et de médecin-conseil, le médecin ne peut agir en toute indépendance ». À cette fin, l’Ordre propose d’offrir son expertise et de participer activement à l’élaboration de ces guides à concevoir comme outils pratiques pour les médecins pénitentiaires.
La quatrième et dernière mesure est structurelle et réclamée depuis longtemps par de nombreux autres acteurs. Il s’agit du transfert de la compétence des soins en prison du SPF Justice vers le SPF Santé publique, afin d’aligner l’offre de soins en détention sur celle de la société et d’en améliorer l’uniformité.