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JM Academy - Syndromes gastro-intestinaux

L’approche diagnostique du syndrome SII-like (II)

Que doit vérifier l'examen clinique chez un patient qui présente ce syndrome ? Et quels examens sont-ils nécessaires pour conclure que le patient souffre bien d'un syndrome de l’intestin irritable et non d'une affection organique ?

heiko de schepper
Le Pr Heiko De Schepper, du service de gastro-entérologie de l’UZA. © JDB

L'examen clinique n'apporte généralement pas d'éclaircissements dans le cas du syndrome de l’intestin irritable. Tout au plus constate-t-on une légère douleur diffuse à la palpation de l'abdomen. « On peut toutefois observer des manifestations d'hypersensibilité à la douleur, sous la forme d'un comportement anticipatoire », explique le Pr Heiko De Schepper, du service de gastro-entérologie à l’UZA. « Par exemple, lorsqu'on lui indique qu'on va l'examiner, le patient se crispe sur la table d'examen, parfois les yeux fermés, avant même que la palpation n’ait commencé. »

« Nous posons régulièrement le diagnostic d'ACNES (anterior cutaneous nerve intrapment syndrome) chez les patients atteints d'un syndrome SII-like », souligne Heiko De Schepper, faisant référence à un piège diagnostique. L'ACNES est un syndrome causé par la compression d'un ou plusieurs nerfs qui traversent la paroi abdominale, à l'endroit où ils traversent la couche musculaire. La douleur est focale et son schéma est généralement lié à la posture, plutôt qu’à l'alimentation ou à la défécation. Il est donc souvent possible de distinguer l’ACNES du syndrome de l’intestin irritable sur la seule base de l'anamnèse. Trois tests permettent d’affirmer ce diagnostic :

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  • Le test de pincement : à l'endroit où le patient indique ressentir une douleur, on pince un petit lambeau de peau entre le pouce et l'index. Le test est positif si le patient ressent une douleur intense.
  • Le test de Carnett : on demande au patient de contracter ses muscles abdominaux en soulevant l'épaule de la table d'examen. Le test est positif si la douleur à la palpation augmente. Si elle n’augmente pas, voire diminue, le problème est probablement intra-abdominal.
  • Le diagnostic peut également être affirmé si la douleur diminue de manière spectaculaire lors d'une infiltration test avec de la lidocaïne. Le patient peut alors être soulagé par des infiltrations régulières.

Bien que les patients qui se présentent avec un syndrome SII-like soient souvent des personnes plus jeunes – et donc avec un risque limité de carcinome rectal –, il est indispensable de procéder à un toucher rectal en présence de pertes de sang ou de mucus, d'un prolapsus anal et d'une perte de poids. « Personnellement, je recommande tout de même un toucher rectal également chez les patients qui ne présentent pas ces red flags », ajoute Heiko De Schepper. « Cela permet d'évaluer la consistance des selles (fécalomes) ou de détecter la présence de sang ou de pus. »

De plus, le toucher rectal permet de mettre en évidence un dysfonctionnement du plancher pelvien. Cette anomalie, que l'on observe chez les patients souffrant de constipation (dans le cadre ou non du syndrome de l’intestin irritable), est due à l'absence de relaxation du sphincter anal lors de la défécation.

Parfois, le patient contracte même le sphincter. Il en résulte une vidange incomplète du rectum, avec formation de fécalomes et distension abdominale. Lors d'un toucher rectal, on peut demander au patient de serrer les fesses afin d'évaluer la force du muscle puborectal. En lui demandant de pousser, on sent la relaxation – ou la contraction paradoxale – du sphincter anal. Les médecins suffisamment formés peuvent ainsi diagnostiquer de manière fiable un dysfonctionnement du plancher pelvien.

À l'hôpital, ce dysfonctionnement peut également être détecté par manométrie anorectale. Le traitement consiste en une kinésithérapie du plancher pelvien, avec un taux de réussite de 60 à 80 %.

"On pourrait penser qu'une colonoscopie est utile pour rassurer
le patient, mais les études contredisent cette hypothèse."

La place de la colonoscopie

Des études montrent que le rendement de la colonoscopie dans la population globale des patients atteints d'un syndrome SII-like est faible. Dans ce contexte, elle n'est indiquée que chez les patients âgés de plus de 45-50 ans et/ou en présence de signaux d'alarme : saignements anaux répétés, perte de poids involontaire, antécédents familiaux de cancer colorectal ou de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, anémie ferriprive et symptômes (douleurs) nocturnes.

« On pourrait penser qu'une colonoscopie est utile pour rassurer le patient », commente Heiko De Schepper. « Mais là encore, les études contredisent cette hypothèse. Cela s'explique par le fait que le patient se dit : ‘si le problème ne réside pas dans mes intestins, d’où vient-il ?’ Le bien-être mental ne s'améliore pas non plus après une colonoscopie : l'inquiétude et le stress ne diminuent pas après cet examen. »

Chez les patients sans symptômes alarmants

Les tests suivants sont bel et bien indiqués chez les patients atteints d’un syndrome SII-like sans red flags :
- Vérifier si les critères de Rome IV sont bien remplis pour un SII.
- Analyses sanguines:

  • Paramètres inflammatoires : une inflammation peut être un indice de MICI. 
  • Glycémie à jeun : le diabète peut s’accompagner de symptômes de type SII.
  • TSH.
  • Anticorps impliqués dans la maladie cœliaque (lire plus loin).

- Examen des selles :

  • Calprotectine fécale : chez les patients atteints d'un syndrome SII-like sans constipation, ce test vise à exclure une MICI. La probabilité de diagnostiquer une MICI chez un patient atteint d'un syndrome SII-like caractérisé par de la constipation est très limitée. Un taux < 50 µg/g exclut une MICI, tandis qu’un taux > 250 µg/g justifie une colonoscopie. Le test doit être répété après trois mois lorsque le taux se situe entre 50 et 250 µg/g.
  • Coproculture : il y a peu de chances qu’une diarrhée chronique persistante soit due à une bactérie. Les directives ne recommandent donc plus une coproculture pour la diarrhée chronique chez les patients immunocompétents. Toutefois, en cas de tableau clinique présentant uniquement de la diarrhée, on peut faire analyser les selles à la recherche de parasites.

La calprotectine fécale est un produit sécrété par les neutrophiles. Elle est libérée lors de processus inflammatoires dans l'intestin, donc non seulement en cas de MICI mais également en cas de gastro-entérite ou de diverticulite.

Une revue récente a effectué des calculs sur la base d'une série d'études ayant évalué l'efficacité du test de calprotectine fécale pour détecter les MICI dans une large population de patients atteints d’un syndrome SII-like. Sur base de ces données, on peut affirmer que ce test est un bon indicateur (pouvoir indicatif de 10,75) et un bon facteur d'exclusion (pouvoir d'exclusion de 6,57) pour les MICI. [1] Il permet donc de déterminer quels patients doivent bénéficier d’une colonoscopie.

La probabilité  de détecter une maladie cœliaque est 2,8 à 4,5 fois plus élevée chez un patient atteint d'un syndrome SII-like que dans la population générale. Cette prévalence plus élevée s'applique aussi bien aux patients souffrant de constipation qu'à ceux souffrant de diarrhée.

Le dépistage de la maladie cœliaque est donc recommandé chez tous les patients atteints d'un syndrome SII-like. Les tests diagnostiques approfondis d'autrefois ont été remplacés par le dosage beaucoup moins contraignant des anticorps anti-transglutaminase tissulaire (anticorps anti-TTG) dans le sang. Ce test est un indicateur puissant (pouvoir indicatif 18) et un bon facteur d'exclusion (pouvoir d'exclusion 9,5).

« Il faut toutefois tenir compte du fait que les anticorps anti-TTG sont des IgA et qu'environ 2 % des patients atteints de la maladie cœliaque présentent un déficit en IgA », prévient Heiko De Schepper. « Il faut donc aussi doser systématiquement les IgA. S’il ressort que le patient présente un déficit en IgA, d'autres tests diagnostiques devront être utilisés : anticorps anti-gliadine, biopsie, etc. »

Le spécialiste souligne que l'on peut poser avec quasi-certitude le diagnostic de syndrome de l’intestin irritable lorsque ces deux tests sont négatifs chez un patient de moins de 50 ans ne présentant pas de symptômes alarmants. « Il est également important d'informer immédiatement le patient du diagnostic, de lui expliquer ce qu'est exactement le syndrome de l’intestin irritable, y compris son mécanisme (présumé) d'apparition, et de lui proposer ou prescrire un traitement. Si ces mesures ne sont pas prises, il est fort probable que le patient rentrera chez lui avec des doutes et consultera un autre médecin. »

L’algorithme diagnostique pour les patients atteints d’un syndrome SII-like est repris à la figure 1.

graphique intestin irritable
Algorithme diagnostique pour les patients atteints d’un syndrome SII-like.

Ce qui ne sert à rien

Les tests suivants sont inutiles:

  • Doser les IgG dirigés contre toute une série d'aliments, dans le but d'éliminer de l'alimentation les aliments contre lesquels des IgG sont détectées. Cette méthode n'est pas scientifiquement fondée. Les aliments ainsi exclus ne correspondent pas aux schémas d'exclusion dont l'efficacité peut être démontrée. On pense que les IgG augmentent simplement parce que la personne consomme souvent certains aliments, mais qu'elles n'ont aucune signification pathologique ;
  • Analyse complète du microbiome : les résultats ne sont pas utilisables dans la pratique ;
  • Détection de la candidose intestinale : le rôle pathogène de la candidose dans le syndrome du côlon irritable n'a pas été démontré ;
  • Tests et traitements orthomoléculaires.

Enfin, ajoutons encore que de nombreux patients souffrant d’un SII déclarent ne pas tolérer les produits laitiers. « Le test respiratoire au lactose a une signification limitée, et il donne souvent des résultats faussement positifs », commente Heiko De Schepper. « Il vaut mieux recommander au patient d'éviter les produits laitiers pendant quinze jours. Si ses symptômes diminuent, la situation est claire. »

Références :
[1] Sci Rep. 2022 May 23;12(1):8640. 
Il existe un consensus belge relatif au syndrome de l’intestin irritable : Belgian Consensus on Irritable Bowel Syndrome. Acta Gastro-Enterologica Belgica, Vol. 85, April-June 2022.

En collaboration avec le Centrum Huisartsgeneeskunde (CHA) de l'UAntwerpen.

Objectifs d'apprentissage

La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec :
- Le contenu et la signification de l'examen clinique en cas de symptômes SII-like ;
- L’ACNES comme diagnostic différentiel en cas de symptômes SII-like ;
- Le rôle du toucher rectal en cas de symptômes SII-like ;
- La place de la colonoscopie en cas de symptômes SII-like ;
- Les examens complémentaires indiqués chez les patients présentant des symptômes SII-like sans signes d'alerte ;
- Les tests qui ne sont pas utiles en cas de symptômes SII-like.

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Écrit par Dre Michèle Langendries18 août 2025
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