Cour des comptes
L'UE toujours pas armée face aux pénuries de médicaments
Des initiatives "utiles" ont été lancées dans l'Union européenne ces dernières années pour faire face aux graves pénuries de médicaments, mais un système véritablement efficace n'a toujours pas été mis en place. C'est ce que conclut la Cour des comptes européenne dans un nouveau rapport publié mercredi.
L'UE est confrontée depuis des années à une pénurie de certains médicaments, mais ces dernières années, les pénuries ont atteint des niveaux véritablement records, selon la Cour des comptes. Entre janvier 2022 et octobre 2024, 136 médicaments ont fait l'objet d'une pénurie grave dans les États membres. Il s'agit de médicaments pour lesquels il n'existe pas d'alternatives.
La gestion des stocks de médicaments relève principalement de la responsabilité des gouvernements nationaux, mais de nombreuses pénuries ne peuvent être résolues au niveau national et, depuis la pandémie de grippe aviaire, il est de plus en plus admis que l'UE peut apporter une valeur ajoutée dans ce domaine.
L'EMA joue un rôle de coordination
L'Agence européenne des médicaments (EMA), par exemple, a déjà joué un rôle de coordination important pour atténuer les effets des pénuries, mais l'agence d'Amsterdam ne peut jusqu'à présent disposer d'un mandat fort qu'en cas de crise sanitaire. En l'absence de crise, l'EMA ne peut que recueillir des informations auprès des autorités nationales et de l'industrie sur une base volontaire.

"L'EMA pourrait être beaucoup plus utile, non seulement pour atténuer les pénuries, mais aussi pour les prévenir. Toutefois, sa capacité d'intervention est limitée par le manque de données actualisées, comparables et complètes", a déclaré Klaus-Heiner Lehne, membre de la Cour des comptes responsable du rapport. Il demande également la création d'une base de données consolidée et d'une plate-forme de notification pour tous les médicaments au sein de l'UE. Cette plateforme devrait inclure des informations sur la disponibilité, les vulnérabilités de la chaîne d'approvisionnement et les alternatives existantes.
Dépendance
Le rapport aborde également les causes sous-jacentes des pénuries, telles que la dépendance à l'égard de la production asiatique. Alors qu'un pays comme l'Allemagne était autrefois "la pharmacie du monde", l'Europe est aujourd'hui totalement dépendante de l'Asie pour les analgésiques tels que le paracétamol et l'ibuprofène, par exemple. La Cour qualifie la présentation de la première liste européenne de médicaments critiques en 2023 d'"étape importante", mais cela n'enlève rien au fait qu'il existe toujours des pénuries graves pour certains médicaments figurant sur la liste.
"Il est important que les États membres travaillent ensemble", souligne M. Lehne. "En réponse aux pénuries, plusieurs États membres ont imposé des obligations de stockage unilatérales. Souvent, ces obligations n'ont pas été coordonnées, ce qui a pu avoir des effets de débordement. Les stocks peuvent temporairement atténuer les pénuries dans un État membre, tout en causant ou en exacerbant les pénuries dans d'autres."
Dans sa réponse, la Commission a largement reconnu les conclusions de la Cour. Toutefois, elle est convaincue que les "nombreuses propositions ambitieuses" qu'elle a présentées ces dernières années apporteront une réponse. Ces propositions sont actuellement examinées par les États membres et le Parlement européen.