« Naître, premiers regards », l'expo photos d'un médecin réanimateur (Liège)

7 juin 2025 - La Cité Miroir de Liège expose, jusqu’au 29 juin, les clichés bouleversants du Dr Marc Trippaerts, pédiatre intensiviste ex-chef de service à l’Hôpital Citadelle et passionné de photographie depuis toujours. Un événement dédié à la naissance, en collaboration avec le CHU de Liège et le service universitaire de gynécologie-obstétrique de Liège, qui propose également deux conférences accréditées (en pédiatrie et en éthique).
Une centaine clichés sur... 15.000 !
Il y a 18 mois (soit trois grossesses...), Le journal du Médecin dressait le portrait d’une reconversion insolite : celle d’un ancien responsable de réanimation pédiatrique qui, après avoir passé plus de 30 ans à sauver de jeunes vies, se glissait, à l’heure de la retraite, de l’autre côté du miroir, pour immortaliser les premiers instants de vie à travers son objectif photographique.
Quelque 78 accouchements et 15.000 clichés de nouveau-nés plus tard, le rêve d’exposition pédagogique qu’il nourrissait voit, lui aussi, le jour : depuis le 2 juin, ses photos, bouleversantes d’esthétisme et d’émotion, sont visibles à La Cité Miroir de Liège. « Naître, premiers regards » se veut un voyage immersif au travers des yeux des nourrissons, des jeunes parents et des soignants au cœur même de la naissance. Premiers regards sur le monde et rencontre avec d’autres humains, sous l’œil du Dr Trippaerts qui capte ces moments fondateurs avec brio et une technicité redoutable dans la pénombre des salles d’accouchement. Nul doute que sa propre expertise médicale, bien qu'il se fasse le plus discret possible pour saisir l'essence de la vie humaine, nourrit ces moments uniques où l’enfant ouvre les yeux sur le monde.

Le rêve secret d’une expo itinérante
La soirée d’inauguration a connu un franc succès, avec une salle comble pour la première conférence portée par plusieurs spécialistes de la périnatalité. Un moment de bonheur intense pour le photographe, à la fois « fier et content », qui ne s’attendait pas à un tel succès d’emblée bien qu’il « l’espère secrètement pour arriver à sortir de Liège et pouvoir montrer tout mon travail ». Derrière la centaine d’images (moins d’1 % de sa production) exposées par thématiques, autant d’histoires de vie authentiques, intégrant d'émouvants textes de parents et offrant différents niveaux de lecture selon l'âge et le degré de compréhension du spectateur. « J’aurais aimé pouvoir mettre aussi des photos des familles pour compléter les photos plus médicales et techniques, plus ‘brutes’, mais je ne vais pas me plaindre ! », sourit-il, « l’endroit est prestigieux, la lumière très belle et l'accueil incroyable. Tout est parfait, c'est juste que j'ai tellement plus à montrer... Avec mon enthousiasme, je déborde de partout ! »
Un buzz lui permettrait d’exporter son œuvre dans une expo itinérante, à travers la Belgique, voire au-delà (il parle plusieurs langues). « Peu de monde peut faire ce que j'offre, tout simplement parce que je viens de ce monde médical un peu fermé et que j’y suis accepté. Je peux avoir le regard de l'expert médical pour m’adresser aux confrères et, en même temps, le regard du parent ayant moi-même quatre enfants », analyse-t-il. Un projet photographique et pédagogique rare, voire unique au monde. « Pour le moment je me laisse porter par l’expo qui débute, par l'enthousiasme généré et les deux prochaines conférences. La troisième concerne le deuil périnatal, il est important, même pour les médecins, de se confronter à l’image de la mort. »
Les conférences : ce jeudi 12 juin (19h) : "Avoir l’oeil sur le nouveau-né", avec le Dr Renaud Viellevoye, pédiatre néonatologue, les Drs Martine Demarche et Sylvie Martus, chirurgiennes pédiatriques, et le Dr Vincent Rigo.
Le jeudi 19 juin (19h) : "Deuil périnatal, quelles traces pour ce bébé?", avec les psychologues Bruno Fohn et Cécile Paesmans, Anne-Astrid De Vos, coordinatrice d'Au-delà Des Nuages, et Delphine Gingoux, photographe pour l'association, et deux mamans endeuillées.
Rester au service de la médecine
Ce projet est aussi une façon de garder une place au sein du monde médical. « J'ai passé un cap en faisant une reconversion complète, je ne fais plus du tout de médecine », explique le Dr Trippaert. « Mais je tenais énormément au monde médical, c'était toute ma vie. Quelque part, c’est une façon d'y rester, parce que quand on arrête de travailler comme médecin, on passe d'une situation où on est une référence, où on voit tous les jours des personnes qui ont besoin de nous, à quelqu'un qui n'a plus de projet en soi. J'ai réussi à me recycler avec ce projet qui n'est pas celui du médecin réanimateur, mais je viens du monde médical et y suis accepté comme tel. » Les portes des trois maternités liégeoises, mais aussi de nombreux autres services médicaux, lui sont ouvertes avec son Nikon à l'épaule, il peut refaire des semaines full time s’il le désire, et il se lève à nouveau au milieu de la nuit comme naguère quand il assurait des urgences vitales, notamment avec les pompiers pour le centre des brûlés de l'Hôpital militaire.
« À partir du moment où le moteur principal n'est pas de générer des revenus pour en vivre mais juste d’arriver à autofinancer le projet, j'ai toute liberté pour développer le sujet, qui n’est vraiment pas terminé à ce stade », se réjouit-il. Il assure lui-même l’impression de ses tirages, même panoramiques, sur support ‘Dibond’, ce qui les rend bien moins coûteux que de passer par un imprimeur.
« Je suis incroyablement heureux de la réception de ce projet. Je ne m'imaginais pas, deux ans et demi après mes premières photos d’accouchement, arriver à ce niveau-ci », conclut-il. « La naissance est un sujet universel, encore un peu tabou et peu traité, mais qui parle de tout et à tous. Des premiers regards jusqu’à la mort, parfois, de certains bébés. Afficher en grand des accouchements par voies basses ou des césariennes, personne ne fait ça. On pourrait imaginer que c'est choquant, mais je n’ai que des réactions positives. Sur Facebook (aka Marc Trippaerts Photographer, NdlR), les algorithmes disent que mes images ont un "caractère sensible ou violent", mais pas le public. La réalité, c’est que la vraie vie est belle, certes parfois brutale, mais pas pour autant violente quand on montre une naissance. »
Lire par ailleurs : « Naître, premiers regards » : une expo photo du Dr Marc Trippaerts, et trois conférences autour de la naissance