Premier 'hackathon' belge pour les médecins à Liège : un succès, rendez-vous l'an prochain !

Encadrer l’innovation de façon collaborative, c’est l’objectif d’un « hackathon ». Plus précisément dans un cadre médical, en l’occurrence, dans le cas du « Hacking Health 2025 » qui s’est déroulé en mai à Liège – une première belge dans le domaine de la santé.

‘Pitcher’, ‘propulser’ une idée novatrice, voire l’encadrer, déjà, d’un business plan… Ce n’est pas forcément dans l’ADN d’un médecin, même si certains se révèlent être aussi d'excellent entrepreneurs. Pourtant, nombreuses sont les inventions qui, au départ, émanent du corps médical, confronté au terrain au quotidien, et donc aux besoins spécifiques des patients. Mais quelles ficelles tirer pour 'accélérer' sa bonne idée et la concrétiser ? C'est là qu'intervient un événement comme un hackathon.

Un marathon autour d’idées en santé

À l’origine du projet « Hacking Health 2025 » qui s’est déroulé le mois dernier à Liège, le CHU de Liège et sa volonté, dans le cadre de sa stratégie globale, de réimpulser une dynamique d’innovation parmi son personnel (plus de 6.000 employés, NdlR), tant médical qu’administratif. « Un public compliqué à attirer, car généralement déjà débordé par ses activités à l’hôpital… », concède Sophie Ismaïl, internal communication manager chez Noshaq (et par ailleurs aka Storygramming sur Insta). « Avec le CHU et Rise-ULiège, nous nous sommes donc interrogés, il y a quelques mois, sur les façons d’arriver à les challenger. »

Rise-ULiège ? C’est la structure de l'Université de Liège qui accompagne ses chercheurs - et son personnel, de manière générale - dans le développement d’une idée afin de la concrétiser, stratégiquement, sur le marché. Une couveuse, en quelque sorte ? « Bien plus que cela », nuance Sophie Ismaïl, « c'est un véritable transfert de knowledge vers un membre du personnel universitaire qui désire lancer sa spin-off. » Une façon, aussi, pour l’université, de s’y retrouver, via la valorisation d’une technologie développée en son sein.

Un hackakoi?

Un hacktathon s’apparente à un marathon, d’où son nom. Un événement de longue haleine (mais pas un ultra trail non plus), intense, telle une course de fond en équipe, et dans un esprit d’émulation, pour faire accoucher une idée et la transformer en véritable entreprise en quelques heures seulement (16h sur deux jours, dans le cas liégeois). Et pour stimuler l’esprit d’entreprise des médecins dans leurs idées d’amélioration des soins ou de prise en charge des patients, une pléthore de professionnels de tous horizons (akkanto, imec.istart, Noshaq, Cresco, la CSD, Wallonie Santé) avaient répondu présents.

"Une idée à 9h, un business plan à 15h..."

À la table également, Bridge 2 Health (B2H), structure fédératrice de l'écosystème 'Life Sciences' liégeois pour promouvoir, développer et connecter l'ensemble des acteurs. « B2H a permis d’opérationnaliser l'idée du hackathon, pour avoir les contacts avec les entreprises, les sponsors, et ainsi challenger les idées du personnel médical du CHU avec d'autres 'casquettes' externes à l’hôpital, tels que des juristes, des financiers, des créateurs d’entreprises, des investisseurs et communicants… », précise encore Mme Ismaïl. 

Concrètement, les participants se sont inscrits à titre individuel, en précisant déjà leur idée éventuellement. Une centaine de personnes ont pris part à l’événement, constituant une dizaine d’équipes de cinq membres. « On avait affaire à des médecins qui avaient une idée, dans leur quotidien, pour améliorer le soin au patient ou l'aspect organisationnel à l’hôpital, comme le traitement des données ou l’allègement des tâches administratives. C'était vraiment des profils orientés très ‘solution’. » 

Quatre gagnants pour cette première édition

Le premier jour, chacun a présenté son idée aux autres (pitch en 1 minute), puis constitué une équipe autour du projet. Une fois les équipes formées, elles ont fait connaissance et travaillé sur les aspects concrets, puis avec des experts (en création d’entreprise, du monde pharmaceutique, etc.) qui, au fur et à mesure des heures qui passaient, venaient challenger les idées. « Le but est d’ouvrir des portes, de mettre sur des pistes, jusqu’à faire, déjà, parfois, une mini-étude de marché. C’est donc très concret », détaille Sophie Ismaïl. « Une idée abstraite à 9h du matin, dispose quasi d’un business plan à 15h… » En dernière étape, chaque équipe a reçu des conseils de pro, puis, deux heures plus tard, a dû faire sa présentation officielle devant tout le monde.

Deux prix étaient initialement prévus, mais vu la qualité des projets, quatre équipes se sont distinguées et ont été récompensées.

- Le prix « Business Plan Booster Prize » décerné par Eklo, qui consiste en un accompagnement stratégique avec leurs experts en création et développement d’entreprises, est allé à l’équipe d’une assistante au Giga ULiège (Unit of Animal Genomics) pour un projet d’évaluation des risques de cancer sur des patients sains.

- La société Voxdale a remis deux prix « Hardware Acceleration Prize » (aide au développement technique et au prototypage, avec une semaine d’accès à leurs outils et une journée de consultance). L’un est allé à l’équipe du projet "diagnostic du bruxisme, et association avec les troubles musculosquelettiques", porté par Amélie Mainjot, professeure en faculté de médecine / département des sciences dentaires, accompagnée de la Dre Christelle Sanchez, titulaire d'un doctorat en sciences biomédicales. "Voir nos idées prendre vie, c'est une immense satisfaction. On ne pensait pas que c'était possible, et pourtant, on l’a fait", s'est réjouie Mme Mainjot. "On a vraiment l'impression de passer à la vitesse supérieure."

Le second prix a récompensé le projet « Soulagement des douleurs menstruelles sévères », présenté par Idris Mughal, ingénieur de gestion spécialisé en technologies médicales (ULB), et cofondateur et CEO de Mirapulse.

La Grand Poste, où se déroulait l'événement, a tenu, vu l'enthousiasme suscité, à remettre également son propre prix, non prévu initialement : un mois de coworking en ses locaux pour continuer à travailler pour une équipe qui voudrait développer un "self pré-screening" pour les patients.
Parmi les autres idées développées, une plateforme pour améliorer le traitement des données avec les mutuelles, la prise de mesure de la force musculaire avec un nouvel appareil, ou encore celle de l'équipe de Pierre Foidart (photo ci-dessus), chercheur FNRS en oncologie au CHU de Liège, qui a initié le concept d’un "centre d’innovation médicale" lié au CHU de Liège, destiné à "répondre aux besoins des patients et des acteurs de santé".

Rendez-vous au printemps 2026

"L'ambiance était studieuse, sainement compétitive et joyeuse", poursuit Sophie Ismaïl. "On sentait l'envie de partage, l'émulation. Les gens sont repartis énergisés, grâce à cet univers bienveillant qui les a mis en confiance même s'ils avaient un peu peur de présenter leur idée. Le monde médical change, se complexifie, s’accélère avec le RGPD, l’IA… C'est bien d'avoir le regard d'experts et, aussi, de tout simplement prendre du recul sur son activité et voir qu'on n'est pas seul. »

Rendez-vous est d'ores et déjà fixé en 2026, vu l'engouement, pour une nouvelle édition qui devrait se dérouler en mars, et qui s'ouvrira en principe à d'autres acteurs du monde hospitalier de la province de Liège, voire au-delà. Les organisateurs souhaitent clairement ancrer cet esprit d'innovation et d'entreprise au sein du CHU de Liège.