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Des transgenres crient haro sur la psychiatrisation

Le 9 juin dernier, Maggie De Block s'est engagée en commission de santé à " promouvoir les soins transgenres aujourd'hui insuffisamment développés ". Le Journal du médecin a été à la rencontre de Genres Pluriels, une ASBL qui met en avant l'existence des personnes aux genres fluides pour tenter de comprendre les problèmes auxquels font face les transgenres concernant l'égalité d'accès aux soins de santé. Entretien en intégralité.

L'accord de gouvernement prévoit que la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité sera adaptée en fonction des obligations internationales en matière de droits de l'homme. Ce qui signifie entre autres que les conditions médicales devront être supprimées dans la loi.

Dans le plan d'action fédéral interfédéral contre les violences homophobes et transphobes, il est prévu de rembourser les frais médicaux et de soutenir trois centres de référence, un dans chaque région.

Dans ce contexte, le Journal du médecin a rencontré Max Nisol, psychologue, et Sarah, de l'ASBL Genres Pluriels. Ils ont l'habitude de répondre aux médias à deux, pour confronter les points de vue, et ne pas donner un seul son de cloche.

Le Journal du médecin : Avez-vous une réelle attente concernant des centres de référence pour les soins pour les transgenres ?

Max Nisol : Absolument pas car les centres de référence feraient partie d'un lobby des équipes de genre existantes, c'est-à-dire Gand et Liège. Le corps psychiatrique a la mainmise sur les questions transgenres. Ce sont des professionnels qui se sont autoproclamés experts sur les questions trans. Ils n'utilisent que des termes psychiatriques pathologiques et discriminants, absolument pas respectueux de nos identités. Et fondamentalement, ils ont un problème de français de base. Ils confondent le verbe être et le verbe avoir. La psychiatrie n'a strictement rien à faire dans l'identité des personnes. Qu'elles soient trans ou autres. Or, ils s'érigent en maîtres tout puissant de la question trans, sans nous consulter, sans nous respecter, en faisant croire qu'il doit y avoir un parcours uniforme dans leur corps médical.

Sarah : Ces équipes regroupent toutes les disciplines qui ont affaire avec les questions transgenres.

Quel est le parcours d'une personne transgenre dans le système hospitalier ?

Max : Le parcours est celui de chaque personne. C'est ce que ne veulent pas les équipes de genre.

C'est un peu le parcours du combattant ?

Max : Justement, ça ne doit pas l'être, mais le corps médical nous met des bâtons dans les roues à chaque fois. On doit tout le temps justifier qui l'on est. Imaginez-vous devoir vous justifier à chaque fois que vous êtes un homme pour avoir accès aux soins de santé !

Si la question trans est gérée par la psychiatrie, cela veut dire que c'est considéré comme une pathologie ?

Sarah : Tout à fait. Alors que cela ne devrait pas l'être. C'est toujours dans le DSM5. Donc ils se basent sur un manuel de psychiatrie pour justifier tout le reste.

Quelles sont les conditions médicales visées par la loi relative à la transsexualité ?

Sarah : Pour changer de sexe de manière administrative, la loi demande d'être suivi par un psychiatre, par un endocrinologue, et d'avoir subi plusieurs chirurgies dont une stérilisation et une transformation du sexe pour qu'il ressemble le plus possible, aux yeux de la loi, au sexe opposé.

Max : Les termes de la loi sont totalement faux scientifiquement. Ils confondent sexe et parties génitales, or le sexe est une fonction, ce n'est pas palpable sur une partie du corps.

Sarah : La loi explique que l'on peut changer de sexe. Mais on ne peut pas, ou en tout cas, partiellement. On ne peut pas changer nos chromosomes. On peut à la limite changer l'apport des hormones, donc on peut modifier le sexe hormonal, mais le reste, on ne peut pas vraiment le modifier. On peut changer d'apparence, mais un néo-vagin, cela reste un trou. Un mâle reste un mâle, mais un mâle mutilé.

Max : En occident, on confond le sexe, les sexes, avec la notion d'identité de genre. Même les interventions sont genrées, avec la présupposition qu'il n'y a que deux genres dans l'espèce humaine. L'Inami n'avait pas prévu de code pour le cancer du sein chez l'homme par exemple. Il est très compliqué de se faire rembourser. L'Inami a dû créer un code spécifique. Il existe pourtant 48 sexes sur une échelle ouverte. Il y a des personnes intersexuées mais comme la médecine ne veut pas reconnaitre les autres sexes que mâle et femelle, les autres sont des pathologies. Il y a donc 46 formes d'intersexuation. Des personnes viables.

C'est une problématique complexe.

Sarah : Effectivement. Mais cela commence dès l'école, en biologie, où l'on nous inculque des principes d'homme XY et de femme XX. C'est quoi alors les hermaphrodites ? Mon prof n'a pas su répondre.

Max : c'est pourtant une problématique qui date de pas mal de temps. Maintenant, la technique chirurgicale permet aux transgenres de trouver leur point de confort quand ils le désirent, en fonction de l'état de santé. Par contre, pour les personnes intersexuées, on ne leur demande pas leur avis. Les enfants sont pris à la naissance et diagnostiqués. Les médecins essaient de corriger le tir. Ils disparaissent statistiquement, parce que l'État ne les conçoit pas. Cela représenterait pourtant 1% de la population. Et 3% de la population pour les transgenres. Soit 300.000 Belges.

En termes de médication, l'élément le plus discriminant, c'est la psychiatrisation. Pas la stérilisation. La stérilisation est un acte de torture et la Belgique pratique ces actes de tortures sur au moins deux groupes de sa population. Mais c'est la psychiatrisation qui met tout en route. S'il n'y a plus de psychiatrisation, tout s'écroule. Il n'y a plus de stérilisation, plus d'exigence quelconque.

La suppression des conditions médicales tend à aller dans votre sens donc ?

Max : Oui. Mais il y a des différences de compréhension de ce que veut dire " médical ". Considère-t-on la psychiatrisation comme un acte médical? Si oui, leur rôle sera altéré. Sinon, il restera en l'état. Il est très important de nommer les choses expressément : pas de psychiatrisation, pas de chirurgie génitale. Ce n'est pas assez clair.

Sarah : La confusion est telle qu'il n'est pas rare de tomber sur des médecins qui ne veulent pas pratiquer certaines chirurgies sans attestation d'un psychiatre. Alors qu'il n'y a aucune loi qui oblige une attestation. On en a besoin pour changer ses papiers d'identité. Pas pour une chirurgie quelconque.?

Max : Il faut agir sur trois niveaux différents : changer la loi par rapport aux papiers, changer les pratiques médicales - donc rendre impossible la psychiatrisation - et travailler sur le remboursement des soins de santé.

À quel point les soins de santé et le remboursement des frais médicaux peuvent représenter un frein dans le parcours de tout un chacun ?

Sarah : Pour être clair, en Belgique, si l'on veut faire à peu près tout, comme Caytlin Jenner, cela coute facilement 30.000 voire 40.000 euros, sur deux ou trois ans de procédures. Des frais qui ne sont pas remboursés.?

Max : Il y a 14 types d'opérations possibles suivant si l'on veut se masculiniser ou se féminiser. Le torse, l'épilation, les chirurgies faciales, redescendre la ligne des cheveux par exemple. Les logopèdes, le traitement hormonal, les chirurgies génitales. Il y a une mainmise de l'équipe de Gand sur ces chirurgies.

Se féminiser ou se masculiniser, y-a-t-il une différence ? Y-a-t-il un problème d'identité ?

Max : C'est une vision psychiatrique des choses.

Sarah : Ce n'est pas un réel problème. C'est une question de point de vue. Mon identité n'est pas un problème. Le problème, c'est la vision des autres ou plutôt, la discrimination qui en découle.

Alors pourquoi cette volonté de changer physiquement ?

Max : Pour trouver ce point de confort. La majorité de la population, y compris les médecins, ne connait pas encore le terme cisgenre par opposition à transgenre. À l'instar de la différenciation homosexuel et hétérosexuel. Ce terme permet de sortir du contexte de la psychiatrisation. Le contexte extrapsychiatrique, c'est que la population a aussi un genre : femme, homme cisgenre ou transgenre. À partir du moment où l'on sait ça, tout est de suite plus clair. Dans cet ordre d'idée, pourquoi exiger des choses des transgenres que l'on n'exige pas chez les cisgenres ? Si l'on est dans la norme, on nous fout la paix, et l'on peut faire toutes les chirurgies que l'on veut.

Pourquoi changer de nom dans le même ordre d'idée ?

Max : Il y a plein de gens cisgenres qui changent de nom ! ?

Sarah : Pour être plus à l'aise avec son nom. On peut ne pas aimer son nom d'assignation. J'ai toujours voulu le changer, et j'ai eu l'occasion de le faire, en tout cas de manière sociale. Cela apporte quelque chose également au niveau de l'identité.

Mais cette volonté de changer physiquement et socialement est quand même proportionnellement plus grande chez les transgenres.

Sarah : Tout ce qui est tatouage, piercing, orthodontie, chirurgie : ce sont aussi des modifications physiques. Le choix de se laisser pour la barbe ou pas, de se laisser pousser les cheveux ou pas, ce sont des choses banales pour les cisgenres, alors pourquoi pas chez les transgenres ?

Ce n'est pas un problème de mal être ?

Max : Au niveau noyau, non. On rencontre des personnes qui ne sont pas bien parce qu'elles subissent des discriminations. Vous imaginez que si la société vous tape sur la tête en vous disant que vous êtes le problème, vous vous sentez mal. Les homosexualités étaient également considérées comme des pathologies il y a peu de temps par la psychiatrie. L'hétérosexualité également lorsque l'on avait des rapports sexuels qui n'amenaient pas à la procréation. On voit bien que les manuels de psychiatrie sont imprégnés de préjugés.

Pour casser ces préjugés, on prend notre bâton de pèlerin et on va voir les médecins. Pour nous, le meilleur relai est le médecin généraliste, puisqu'il connait la santé de son patient. C'est pour cela que l'on veut s'associer avec des maisons médicales. On a créé un embryon de réseau psychomédicosocial trans respectueux sans psychiatrisation avec l'hôpital Saint-Pierre. C'est un réseau, pas une équipe de genre, ou un centre de référence.

Si je suis votre raisonnement, pourquoi devrait-on rembourser les chirurgies de transformation si elles sont purement esthétiques ?

Max : Tous les soins de santé devraient être remboursés, y compris les soins de santé spécifiques. Pour le moment, c'est à l'appréciation de chaque mutuelle. Les chirurgies dont on parle sont à la fois d'un caractère esthétique et d'un caractère réparateur, car elles permettent d'atteindre un point de confort. Une personne cisgenre peut avoir des difficultés avec son nez, ses oreilles et cela sera pris en charge.

Sarah : l'orthodontie est principalement esthétique et pourtant, il y a un remboursement.

Quel est ce point de confort dont vous parlez ?

Max : Où est-ce que vous vous sentez bien, dans votre corporalité, dans votre aspect social, dans votre aspect professionnel ? Cela englobe tout ça.

Il y a donc bien un mal être ?

Max : Pas nécessairement. Comme d'autres personnes qui n'apprécient pas nécessairement leur nez. Cela peut être remboursé si le chirurgien juge que c'est nécessaire.

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Écrit par Laurent Zanella

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