Budget soins de santé 2026
Solidaris alerte sur un budget “sous tension” et appelle à renouer le dialogue social
« Solidaris reste convaincue que des économies peuvent et doivent être réalisées, mais à condition qu’elles s’inscrivent dans un processus juste, équilibré et réellement concerté », souligne Jean-Pascal Labille, secrétaire général de Solidaris.
Lors du Conseil général de l'Inami de ce lundi matin pour examiner le budget 2026, l’aile francophone de Solidaris a choisi de s’abstenir: "Ce budget, dans sa forme actuelle, appelle à être renforcé pour garantir sa soutenabilité et son équilibre à long terme", explique la mutuelle dans un communiqué. "Il souligne la nécessité de poursuivre un dialogue constructif entre les acteurs et de préserver un financement solidaire qui protège les patients."
L'analyse de Solidaris
« Solidaris reste convaincue que des économies peuvent et doivent être réalisées, mais à condition qu’elles s’inscrivent dans un processus juste, équilibré et réellement concerté », souligne Jean-Pascal Labille, secrétaire général de Solidaris.
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1. Une norme de croissance non financée: un budget sous perfusion
La norme légale de croissance des soins de santé est fixée à 2 %. En réalité, seuls 0,8 % sont financés, car 469 millions d’euros ont été retirés de l’assurance obligatoire depuis 2020. Ce sous-financement chronique rend impossible la mise en œuvre d’une politique de soins ambitieuse et contraint les acteurs à des coupes artificielles. Avec une norme de croissance réellement financée, il ne serait pas nécessaire de réaliser des économies : le débat pourrait enfin se concentrer sur de véritables gains d’efficience, au bénéfice des patients et de la santé publique.
2. Un équilibre pharmaceutique injuste et inefficace
La principale cause du dépassement budgétaire dans le secteur pharmaceutique tient au fait que certains médicaments sont vendus à la sécurité sociale à des prix totalement déraisonnables. Jusqu’à 1 milliard d’euros pourrait être récupéré en appliquant des baisses de prix sur ces traitements et en appliquant un modèle de juste prix.
Or, la proposition gouvernementale laisse un trou de 157 millions d’euros dans le budget des spécialités pharmaceutiques en 2026, en raison de l’absence de volonté politique d’imposer des réductions de prix à l’industrie pharmaceutique. Le gouvernement préfère s’en remettre au mécanisme du claw-back, soit le remboursement a posteriori par l’industrie d’une partie du dépassement attendu. Comment cette stratégie de laisser filer les dépenses tant qu’elles sont compensées par des recettes va nous permettre de maîtriser le budget des médicaments ? Par ailleurs, sous prétexte de corriger une sur-prescription des statines et des IPP, le gouvernement réduit leur remboursement sans distinction d’indication médicale.
Résultat : près d’un Belge sur deux, utilisateur de l’un de ces médicaments, sera pénalisé — jusqu’à 190 euros de surcoût par an pour un patient diabétique correctement traité. L’effort demandé à l’industrie pharmaceutique reste largement inéquitable comparé à la hausse du ticket modérateur supportée par les patients.
3. Le ticket modérateur chez les sages-femmes : le doigt dans un engrenage dangereux
Pour financer la revalorisation des honoraires des sages-femmes, le gouvernement introduit un ticket modérateur : 4 euros pour les bénéficiaires ordinaires et 1 euro pour les BIM. Cette mesure ouvre une brèche dangereuse : celle d’une généralisation progressive de la participation financière dans d’autres professions de santé, au détriment de la gratuité et de l’accessibilité des soins de première ligne. Si la norme de croissance continue d’être sous-financée, l’augmentation de la part à charge du patient deviendra la variable d’ajustement du système, marquant un glissement préoccupant du financement solidaire vers le portefeuille des patients.
4. Une concertation à renforcer pour retrouver un véritable espace de dialogue et de co-construction
La lettre de mission adressée aux acteurs de la santé a rendu la concertation beaucoup plus difficile en fixant à l’avance le cadre et le volume des économies. Le dialogue social, pourtant au cœur de la gouvernance de l’assurance maladie, s’en trouve vidé de sa substance. Cette méthode rend l’exercice budgétaire extrêmement difficile et compromet la recherche de solutions structurelles et concertées. Elle illustre combien il devient ardu de construire un compromis lorsque la discussion est menée sous pression et sans réelle marge de manœuvre.
« Notre abstention exprime une certitude : bien que l’exercice budgétaire nécessite de réaliser des économies, sans recettes nouvelles et sans réelle concertation, il sera impossible de préserver une sécurité sociale forte et solidaire », conclut Jean-Pascal Labille.
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