UTMB : le double défi du Dr Pascal Lété
Ce médecin généraliste retraité vient non seulement de gagner l’ultra trail du Mont-Blanc dans sa catégorie, il a, en outre, « poussé le bouchon » jusqu’à faire l’aller-retour pour Chamonix à vélo. Soit, au total, 1.700 km dans les mollets... Quelle mouche l’a donc piqué ? Simplement le désir de nous inviter, par l’exemple, à bouger davantage pour préserver un bien précieux : notre santé.
Attention, spoiler alert : cet article va furieusement vous donner envie de chausser vos baskets ou de prendre votre retraite (voire les deux). Car c’est l’histoire d’un homme heureux. Celle de Pascal Lété, médecin généraliste qui, après s’être dévoué à ses patients pendant 42 ans, vient de s’offrir trois semaines de parenthèse enchantée. Du bonheur à l’état pur pour ce médecin porté par un message de santé publique accessible à chacun, et que l’on pourrait résumer en deux mots : slow motion. « Moins de voiture, moins d’écrans. Plus de calme et de lenteur », gazouille-t-il, encore sous le charme des endorphines de son défi sportif. « Remettons-nous en mouvement, reconnectons-nous à la nature et à l’Autre, ne fût-ce que pour lui demander notre chemin. »
175 km en 37h à 2.500 m d’altitude
Pascal Lété ne vit pas chez les Bisounours. Bien au contraire. Dans son (ex-)cabinet médical de la banlieue de Verviers (Petit-Rechain), il en a vu des petits patients se sédentariser, devenant des clients en puissance pour les maladies chroniques dont bon nombre pourraient être évitées à condition de se bouger. Alors, ce médecin fraîchement pensionné a sorti son vieux VTT, l’a affublé de sacoches pour y glisser tente et réchaud et il a roulé jusqu’à Chamonix (730 km en huit jours), d’où il s’est élancé, le 29 août à 17h45, pour l’UTMB 2025 (174 km autour du Mont-Blanc, 9.900 m de dénivelé positif). Il est arrivé 37h24 plus tard, lauréat de sa catégorie d’âge (65-69 ans). Alors, il a réenfourché sa bécane et il est rentré à la maison (Tinlot : 800 km). Mais cette fois en faisant l’école buissonnière, bivouaquant sous les étoiles dans les forêts du Jura.
« C’est un bel effort, pas un gros exploit », tempère-t-il en toute humilité. « L’an dernier, un sexagénaire a fait le tour en 25h ! Mais je suis content car les conditions climatiques étaient très difficiles cette année, avec deux cols à passer sous la neige. Il faisait très froid, il y avait beaucoup de vent, les descentes étaient particulièrement glissantes. » Quand même. Ils sont partis à près de 30, ils étaient quatre finishers sur la ligne d’arrivée...
Son secret ? Une bonne préparation en amont. Se sachant sujet au mal d’altitude, il est arrivé quelques jours en avance pour passer trois nuits en refuge et s’acclimater. À l’écoute de son métabolisme mis à rude épreuve, il sait aussi gérer les troubles digestifs et piquer une micro-sieste à l’appel de Morphée quand la nuit n’en finit plus.
La régularité en ligne de mire
C’est sûrement un grand sportif de toujours, vous dites-vous sans doute. « Oui… enfin 1m74, ce n’est pas si grand que ça ! », rétorque-t-il en souriant. Puis, plus sérieusement : « J’ai toujours bougé. Petits, nous étions toujours dehors, en activité, sur son vélo, jamais devant la TV. J’ai eu le téléphone (fixe) à 18 ans quand je suis entré en médecine à l’UCL ! J’ai joué au foot jusqu’à 33 ans, puis j’ai commencé à faire des joggings de villages, genre 10km. Progressivement, je suis passé au semi-marathon, puis au marathon. » Et c’est ainsi que 12x42,5 km plus tard, il tombe en amour pour le trail, puis l’ultra trail (100+km). Entre-temps, ses enfants ont grandi et il peut partir courir en montagne. À son actif, désormais, la Diagonale des fous, le Tor des géants, le Marathon des sables, la Transgrancanaria, l’ultra trail de l'île de Madère, trois UTMB...
« Certes j'ai fait du sport toute ma vie, mais sans entraînement démesuré. Je n’ai jamais été dans l’excès, mais je n’ai jamais arrêté, même en hiver. C’est ainsi que j’ai pu faire une telle expédition à 67 ans. On a tous des aptitudes un peu différentes, mais chacun peut se mettre en mouvement à son rythme. » Si le Dr Lété prescrivait déjà de l’activité physique à ses patients bien avant le concept de ‘sport sur ordonnance’, aujourd’hui plus que jamais, il entend montrer l’exemple. Pour la santé publique. Pour la santé tant physique que mentale. « Il faut lutter contre l’inactivité au quotidien : aller au sport deux fois par semaine et ne pas bouger les autres jours n’est pas la solution. La régularité compte davantage que la performance. »
Utiliser ses jambes participe aussi de la transformation de la société vers davantage de durabilité, moins de gaz à effet de serre : « On peut faire tout ça sans une goutte de carburant, à condition de prendre son temps. Tout le monde peut marcher un peu pour aller à l’école et au travail, ou utiliser le vélo - à condition qu’on sécurise les routes. » Transformer la société sans que ce ne soit une punition, tout en redécouvrant le bien-être de l’activité, tel est le credo du Dr Lété : « Réapprenons à aimer utiliser notre corps pour nous faire du bien. Mon défi sportif n’était pas 'dur', j’ai adoré ce voyage qui m’a apporté beaucoup de bonheur. »
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