Vidis, dix ans après
Ecolo-Groen veut relancer le chantier
Déposée à la Chambre par Petra De Sutter et Rajae Maouane (Ecolo-Groen), une proposition de résolution entend repenser la manière dont les médicaments sont prescrits et suivis en Belgique. Le texte s’inscrit dans la continuité du projet Vidis (Virtually Integrated Drug Information System), lancé il y a dix ans par l’Inami pour centraliser en une vue unique les données de prescription, de délivrance et de remboursement.
Le projet Vidis est né le 19 juin 2015. En dix ans, le projet, initialement pensé pour intégrer les données relatives à la médication provenant de différents services de santé en ligne (dont la prescription électronique et le schéma de médication), a beaucoup évolué. Mais il reste critiqué, à raison.
D’une part, car la technique est défaillante. « L’intégration des différents services, l’interopérabilité des différents systèmes et l’implémentation dans les logiciels destinés aux utilisateurs finaux laissent encore beaucoup à désirer, et le processus d’intégration de la gestion de la médication dans les hôpitaux n’a même pas encore été entamé », relatent par exemple Petra De Sutter et Rajae Maouane. La Seule éclaircie : les prescriptions électroniques, aujourd’hui généralisées. D’autre part, la lenteur d’évolution du projet est due à des guerres de clocher entre médecins et pharmaciens, chacun ayant ses raisons.
Reste qu’après dix ans, le projet Vidis n’a pas atteint tous les objectifs visés et que l’outil reste source de lourdeurs plutôt que de simplification. « La surcharge de travail des médecins généralistes est encore aggravée par toutes sortes de tâches administratives qui ne font pas partie de leurs missions essentielles », souligne la résolution.
Surcharge, pénurie et gaspillage
Le texte, qui n’a pas de valeur contraignante mais vise à mettre le sujet à l’agenda politique, dresse un tableau sévère de la situation actuelle.
D’abord, la surcharge administrative qui pèse sur les médecins généralistes. Les auteurs notent que la pénurie de praticiens s’aggrave et que ceux-ci doivent encore assumer des tâches qui ne relèvent pas de leurs missions essentielles. Parmi elles, « la délivrance de certificats d’absence pour des affections banales qui ne nécessitent pas en soi une consultation médicale ».
Ensuite, les pénuries de médicaments constituent un problème récurrent. Selon les chiffres cités, « 736 conditionnements, soit 7,36 % de tous les conditionnements commercialisés, étaient temporairement indisponibles » au moment de la rédaction du texte, le 16 juillet 2025 (dépôt le 20 août 2025). Les pharmaciens, contraints de chercher des alternatives, perdent plusieurs heures chaque semaine, tandis que médecins et patients se heurtent à des retards ou à des interruptions de traitement, notent encore les auteurs de la résolution.
Enfin, la surconsommation et le gaspillage viennent alourdir la facture et poser un défi écologique. La résolution rappelle que « chaque année, des tonnes de médicaments non utilisés et périmés doivent être détruits », évoquant près de 700 tonnes en 2022. La moitié de ces médicaments non utilisés finissent dans l’environnement, avec des substances retrouvées dans les eaux de surface.
Des mesures pour simplifier et rationaliser
Face à ces constats, la résolution avance plusieurs pistes concrètes. Elle propose d’abord d’adapter l’arrêté royal du 1er février 2018, « de manière à ce que le prescripteur puisse prescrire tous les médicaments en tant que traitement, c’est-à-dire sur la base d’une posologie et d’une durée de traitement plutôt que par conditionnement ». Une évolution qui permettrait de réduire les prescriptions répétitives et de fluidifier le suivi, selon Ecolo-Groen.
Deuxième levier : l’intégration automatique des prescriptions dans le schéma de médication du patient via le système Vidis. Les auteurs du texte demande que ces données soient « automatiquement et correctement enregistrées », afin que les médecins, pharmaciens et patients disposent d’une information à jour et centralisée .
Autre innovation proposée, la création d’un « compteur » comparant la quantité prescrite (posologie et durée) à la quantité effectivement délivrée (conditionnements et unités). Cet outil offrirait aux soignants une vision claire de l’observance et permettrait d’identifier rapidement des délivrances excessives.
Enfin, la résolution propose de limiter la durée maximale des prescriptions chroniques à un an, afin d’éviter les traitements poursuivis indéfiniment sans réévaluation médicale.
Quels impacts pour la pratique médicale ?
Pour les médecins, l’intérêt principal réside dans la simplification du quotidien. Moins de prescriptions répétitives, une meilleure intégration des données dans les logiciels métiers et un suivi structuré pourraient libérer du temps pour la consultation. Le texte met en avant l’idée que « la mise en place de flux de données numériques optimaux (…) pourrait promouvoir l’autonomisation des patients et le suivi réalisé par leurs prestataires de soins » .
La résolution vise aussi à renforcer la collaboration avec les pharmaciens, déjà engagés dans les revues de médication et le suivi des patients polymédiqués. L’outil Vidis, enrichi par ces nouvelles modalités, pourrait devenir une plateforme commune pour évaluer l’observance et ajuster les traitements.
Reste que l’interopérabilité des logiciels est incomplète, et « les éditeurs de logiciels sont peu motivés à intégrer rapidement et de manière conviviale les services proposés par les pouvoirs publics », estime Ecolo-Groen. La réussite dépendra donc de la capacité des autorités à lever ces blocages techniques et réglementaires.