Prioriser, puis réformer
Si un certain immobilisme est classiquement reproché à certains ministres, c'est une critique que l'on pourra difficilement adresser à Frank Vandenbroucke et à son cabinet. L'homme qui réforme plus vite que son ombre inaugure son prochain chantier en remontant en haut de sa pile un projet de transformation de l'Ordre des médecins.
Cette fois pourtant, ni l'idée ni le texte de loi ne sont de lui. Les membres de l'Ordre sollicités pour des consultations à ce sujet ont directement reconnu un projet de loi de l'ère Maggie De Block, première pierre d'une réforme qui n'a jamais abouti à l'époque. Le texte n'a pratiquement pas changé, et vise les mêmes objectifs a priori louables qu'en 2016 : rajeunissement de l'Ordre, publicité des audiences, mise à jour des sanctions, fonctionnement plus efficace. Mais les moyens d'y parvenir font grincer des dents : comment un jeune médecin avec trois ans de pratique pourrait-il juger le comportement d'un confrère de 30 ans de carrière ? Est-il raisonnable de risquer jeter sur la place publique - souvent virtuelle - un médecin en procédure disciplinaire ? Ces craintes, ce sont les membres du Conseil provincial Bruxelles - Brabant wallon qui les ont confiées au journal (lire en page 10).
Plus largement, il ressort du texte une volonté de « fonctionnariser » la procédure disciplinaire. Alors que l'appareil judiciaire civil et pénal est déjà au bord du précipice, on peine à imaginer où le gouvernement trouverait des magistrats pour les organes déontologiques professionnels (l'Ordre des médecin est le premier de la liste ; l'accord de gouvernement Arizona veut réformer les ordres professionnels dans leur ensemble).
Quand l'autorité publique se mêle de l'auto-régulation, gare aux étincelles. Quand un socialiste déterre le projet d'une libérale, on rêve du meilleur des deux mondes mais on sait qu'on risque le pire. Avant de réformer un système qui fonctionnait « relativement bien » dans sa forme actuelle, de la bouche des premiers concernés, les médecins attendent du ministre les grandes réformes promises qui tardent à pointer le bout de leur nez (celle de la nomenclature et du financement des hôpitaux, notamment).
