La gériatrie a de l’avenir
Hôpital de jour flambant neuf, nouveaux lits d’hospitalisation, médecins gériatres fraîchement diplômés et bientôt un troisième site, dans le cadre de la fusion avec André Renard : la gériatrie est clairement une discipline médicale d’avenir pour le CHU de Liège... Et c'est vrai aussi ailleurs en Wallonie : à Namur et Chimay, par exemple.
L’hôpital universitaire liégeois vient de déménager son hôpital de jour gériatrique depuis son site historique des Bruyères (NDB - Chênée) vers son site-mère au Sart Tilman. Objectif avoué : permettre à ce service, de plus en plus sollicité, de mieux se développer et renforcer sa multidisciplinarité en l’installant à proximité des autres spécialités médicales.
Fort de quatre nouveaux médecins gériatres - un véritable exploit en ces temps de pénurie -, le service de gériatrie se dote également de 30 nouveaux lits d’hospitalisation aiguë sur le site du Sart Tilman. Et il pourra bientôt aussi compter sur les confrères de la Clinique André Renard (Herstal) dans le cadre de la fusion, dès janvier 2026, entre les deux établissements hospitaliers.
Ces différentes étapes marquent un développement important pour la filière gériatrique, amenée à recevoir toujours plus de patients vieillissants et, surtout, des cas complexes, qui requièrent souvent des soins intégrés.
Une médecine de pointe
« Ces dernières années, tous les patients gériatriques se trouvaient aux Bruyères, de même que l'hôpital de jour », cadre le Dr Nicolas Berg, gériatre au CHU de Liège et past-president de la Société belge de Gérontologie et de Gériatrie (SBGG). « Nous étions cependant forts à l'étroit, nous ne pouvions pas consulter à deux médecins en même temps, par exemple. Et il y avait trop peu de surface disponible pour nous permettre de développer tous nos projets. »
Un déménagement plus tard, en quelques jours à peine et en douceur pour les patients hospitalisés, l’équipe de gériatrie, emmenée par la Pre Sophie Gillain, cheffe du service, se retrouve au complet sur la colline en face, avec plusieurs cabinets de consultation, de nombreux paramédicaux à portée de main et d’importantes capacités techniques. « L’avantage, tant pour les lits d'hospitalisation que pour l'hôpital de jour, est que nous allons bénéficier d’une palette de collaborations possibles avec des services hyperpointus, notamment en cardiologie si besoin d’une coronaro par exemple, ou en oncologie pour la radiothérapie », se réjouit le Dr Berg.
Il est loin le temps où le gériatre travaillait seul dans son service : plus que jamais, l’avenir de cette discipline passe par une approche holistique afin d’offrir aux patients toutes les techniques - y compris de pointe - quand ils en ont besoin. « Ce n'est pas parce qu'on a 85 ans qu'on ne peut pas avoir un bon traitement pour le cœur - un pontage, un TAVI - ou un traitement oncologique particulier », souligne le Dr Berg. « Être ensemble sur le même site nous permet de rencontrer plus aisément nos collègues de pointe dans toutes les disciplines. Cela démontre par ailleurs que le CHU de Liège et l’université comprennent bien l’importance de la gériatrie. »
« Cette relocalisation s’inscrit dans une volonté d’améliorer continuellement l’organisation des soins pour répondre aux besoins spécifiques des personnes âgées »
- Dr Nicolas Berg
Une discipline d'avenir
Outre la Pre Gillain, responsable du service, et le Dr Nicolas Berg, le département universitaire peut se targuer d’avoir réussi à recruter quatre nouveaux médecins spécialistes en gériatrie : les Drs Legros, Ren, Mathonet et Jooharoo. Tous quatre renforcent la diversité des expertises proposées, notamment en onco-, cardiogériatrie et en maladies infectieuses.
« Il nous a fallu quelques années pour trouver ces jeunes », reconnaît le past-president de la SBGG. « C’est une grande chance que ces quatre médecins terminaient leur formation chez nous et ont désiré rester ». L’investissement du CHU dans de nouvelles installations prouvent aux futurs médecins que la gériatrie (six ans de spécialisation, NdlR) est une discipline d’avenir.
Certaines infirmières ont également une spécialisation en gériatrie. « Les plus anciennes ont, elles, acquis des compétences très pertinentes et un sens clinique à force de fréquenter les patients au quotidien », analyse le Dr Berg. « La gériatrie est la discipline par excellence où l’on doit travailler en équipe : le gériatre a besoin de psychologues, de kinés, d’ergothérapeutes et d’assistants sociaux, qui ont des compétences particulières dans les pathologies du grand âge et une approche psychologique. »
Les gériatres sont un peu les ‘chefs d'orchestre’ de l'hôpital de jour. S’ils estiment qu’il est pertinent que le patient subisse des examens complémentaires - que ce soit pour recueillir l’avis d'un collègue spécialiste ou pour un acte technique -, cela peut s’organiser, par exemple, en une demi-journée en ambulatoire. « Centraliser la prise en charge médicale et fonctionnelle en un seul lieu offre un gain de temps et de confort aux patients et à leurs proches », souligne l’hôpital académique liégeois. La première consultation se déroule souvent avec le gériatre et une infirmière pour faire le bilan des besoins et des éventuels examens exploratoires. Les généralistes sont invités à référer leurs patients à profil gériatrique via un numéro d'appel spécifique.
L’hôpital de jour gériatrique du CHU de Liège draine, chaque année, un bon millier de patients. L’objectif - pour autant d’avoir suffisamment de gériatres disponibles - est désormais de doubler ce chiffre, vu le vieillissement de la population.
La qualité de vie des patients gériatriques est-elle meilleure aujourd’hui ?
Si l’on vit de plus en plus vieux grâce, notamment, aux progrès de la médecine, ces années de vie gagnées sont-elles de meilleure qualité en 2025 qu’hier ?
« Si vous savez mesurer la qualité de vie des gens, et surtout celle des personnes âgées, vous me feriez grand plaisir car je n'ai pas trouvé de thermomètre ! », répond d’emblée, en souriant, le Dr Berg. « En tant que soignant, je fais donc très attention à me mettre à l'unisson de ce que les patients pensent, en leur demandant toujours leur ressenti et leur vécu. »
Et le gériatre de rappeler que la qualité de vie n'est pas forcément proportionnelle au degré d’autonomie : « Des personnes hautement dépendantes peuvent être ravies de vivre et d’autres, ‘pas trop mal’ à nos yeux de bien-portants, peuvent avoir perdu le goût de vivre de par les aléas de la vie. » D’où l’importance de l’abord holistique, y compris psychologique. Comment ce patient de 85 ans voit-il, lui, les choses ? « Il faut laisser parler les patients... ce qui explique que nos consultations sont parfois un peu longues ! Nous devons échanger, et pas seulement sur le plan technique. »
Qu’est-ce que l’hôpital de jour gériatrique ?
La majorité des hôpitaux belges disposent d’un hôpital de jour gériatrique; celui-ci constitue le deuxième des cinq axes du Programme de Soins pour le patient Gériatrique (PSG), le premier axe étant l’hospitalisation.
À l’instar des autres spécialités, la gériatrie a elle aussi bien pris le virage ambulatoire : l’hôpital de jour gériatrique, doté d’une solide équipe pluridisciplinaire (la multidisciplinarité est l’ADN même du PSG, Ndlr), permet d’éviter des hospitalisations et diminue les durées de séjour quand l’hospitalisation s’avère incontournable. « Il vaut mieux explorer un patient qui souffre de troubles cognitifs en hôpital de jour car une hospitalisation risque, en le déracinant, de majorer ses troubles », conseille Nicolas Berg. Le prochain hôpital à emboîter le pas de l’ambulatoire sera le Centre de santé des Fagnes à Chimay, qui devrait disposer d’un hôpital de jour gériatrique début 2026, évitant ainsi aux seniors de devoir se rendre à Charleroi.
Le troisième axe du PSG est la consultation, facilitée en milieu hospitalier tant pour les gériatres que pour les patients grâce au matériel adapté (fauteuils PMR en salle d’attente, table d’examen plus accessible, hôpital de jour de plain-pied…). Quatrième axe, la gériatrie de liaison interne : l'équipe de gériatrie donne des avis pour des patients non hospitalisés dans son service mais qui ont un profil gériatrique, mettant ainsi son expertise au service des différentes spécialités. Enfin, le dernier axe est la gériatrie de liaison externe, c’est-à-dire entre l'hôpital et les premières lignes de soins : médecins généralistes, cercles, équipes de soins à domicile (en cas de PICC line, par exemple)… « Avec l’axe particulier de la collaboration avec les MRS qui, pour leur agrément, doivent avoir des conventions avec des services de gériatrie hospitaliers pour faciliter le passage des patients de l’un à l’autre », rappelle le Dr Berg.
Une seconde unité de gériatrie à Saint-Luc Bouge
Même tendance à Namur, où la Clinique Saint-Luc de Bouge (SLBO), grâce au recrutement de deux nouveaux gériatres, les Drs Christelle El Kahi et Nathan Gomrée, vient d’ouvrir 26 lits supplémentaires destinés aux patients gériatriques (il y en avait déjà 30, NdlR). Par ailleurs, l'hôpital de jour gériatrique (quatre lits dédiés) ouvre désormais deux fois par semaine au lieu d’une, tant la demande est forte.
L’objectif de cette seconde unité d’hospitalisation est d’accueillir des patients de 75+ ans avec un profil gériatrique fragile, notamment en pré- et post-chirurgie, pour gérer des syndromes typiques (perte d’indépendance fonctionnelle, dénutrition, confusion). L’approche est bien sûr multidisciplinaire, avec deux médecins généralistes, des infirmiers spécialisés en gériatrie, des kinés, ergos, neuropsychologues…
À terme, SLBO entend enrichir encore son offre, en développant ses liaisons gériatriques interne et externe et en créant une consultation préventive pour dépister, au domicile, les futures fragilités.
« Cette relocalisation s’inscrit dans une volonté d’améliorer continuellement l’organisation des soins pour répondre aux besoins spécifiques des personnes âgées »