C'est plus que le tabac ou l'alcool...
Un Américain sur huit est accro aux aliments ultra-transformés
L'assuétude aux aliments ultra-transformés n'est pas rare chez les personnes d'un certain âge aux États-Unis, en particulier chez les femmes qui étaient ados ou jeunes adultes lorsque la qualité nutritionnelle de l'alimentation américaine s'est dégradée, montre une étude publiée dans la revue Addiction. Cette addiction est associée à une détérioration de la santé physique, mentale et du bien-être social.
Les aliments ultra-transformés (AUT, ou UPF en anglais) sont des aliments produits industriellement, contenant généralement des niveaux anormalement élevés de glucides raffinés et/ou de graisses ajoutées. "Ils ont été introduits à grande échelle dans l'environnement alimentaire américain dans les années 1980 et se sont multipliés depuis", notent les auteurs d'une étude dont les résultats viennent de paraître dans Addiction.
Sous l'influence de l'industrie du tabac
Il a été démontré que ces aliments déclenchent une réponse addictive. La nouvelle étude s'est penchée sur la prévalence de la dépendance aux aliments ultra-transformés chez les adultes américains, et sur son lien avec divers domaines de la santé.
L'enquête a été menée en juillet 2022, en ligne et par téléphone, sur base du sondage national dit "NPHA" de l'Université du Michigan [1]. Le lien entre aliments ultra-transformés et perception de la santé physique et mentale et isolement social, a été analysé. "Les ratios de prévalence ont été calculés, sans ajustement et après ajustement en fonction de l'âge, de l'origine ethnique, du niveau d'éducation et du revenu", expliquent les auteurs.
Et de contextualiser: "La consommation alimentaire aux États-Unis est largement dominée par des aliments ultra-transformés qui représentent environ 60% de l’apport énergétique des adultes. Leur essor remonte aux années 1970-1980, période marquée par l’influence directe de l’industrie du tabac dans la production et la promotion de produits hyper palatables, riches en sucres et graisses saturées. Bien que les groupes de tabac se soient retirés du secteur alimentaire dans les années 2000, leurs pratiques continuent de structurer l’offre et les habitudes alimentaires actuelles."
Davantage que l'assuétude au tabac ou à l'alcool
Le taux de prévalence global d'addiction à ce genre d'aliments s'est révélé être de 12,4%, ce qui est beaucoup plus élevé que les taux de prévalence de l'addiction à l'alcool (1,5%) et du tabagisme (4%).
Les résultats montrent "un effet de cohorte dans la prévalence de l’addiction aux aliments ultra-transformés (UPFA): 15,7% chez les 50–64 ans, contre 8,2% chez les 65–80 ans", notent les chercheurs. Or, les 50–64 ans ont grandi dans les années 1970-1980, période d’exposition accrue à ces aliments, et pendant des phases sensibles de la croissance, ce qui pourrait expliquer leur risque plus élevé. "Les générations actuelles, exposées dès l’enfance à un environnement alimentaire dominé par ces produits, pourraient présenter à l’avenir des taux encore supérieurs d'addiction."
Les femmes davantage touchées, à cause des produits "light"
Chez les adultes d'un certain âge, les femmes présentent un taux d’addiction supérieur à celui des hommes (16,9%, vs 7,6%). Le taux le plus élevé est observé chez les femmes de 50–64 ans (21%).
Contrairement aux assuétudes classiques (alcool, tabac), historiquement plus fréquentes chez les hommes, l’exposition aux AUT a fortement touché les femmes, notamment dans les années 1980 avec les produits “allégés” riches en glucides raffinés. Ces aliments, largement promus auprès des femmes comme outils de contrôle du poids, auraient renforcé des habitudes alimentaires addictives. Les adolescentes et jeunes femmes restent aujourd’hui une cible privilégiée du marketing de ces produits, en particulier via les réseaux sociaux.
En moins bonne santé physique ET mentale
Cette addiction aux aliments ultra-transformés est liée à une moins bonne perception du bien-être physique, mental et social. Les hommes en surpoids présentent un risque 19 fois supérieur d’assuétude, contre 11 chez les femmes, montrant donc une association plus forte chez les hommes. "Ce lien entre surpoids/obésité et "UPFA" est cohérent avec les résultats observés dans des cohortes plus jeunes", constatent les auteurs.
Une forte consommation d'aliments ultra-transformés est aussi associée à une perception plus défavorable de la santé physique et mentale: les hommes déclarant une santé physique médiocre avaient un risque multiplié par trois d’UPFA, contre près du double pour les femmes.
Les hommes en mauvaise santé mentale présentaient un risque multiplié par quatre, contre près de trois pour les femmes, confirmant des associations déjà observées dans d’autres populations. "L’UPFA est liée à divers troubles (anxiété, dépression, stress post-traumatique, maladies métaboliques). La consommation d’AUT pourrait agir comme stratégie de 'coping', mais aussi aggraver la santé via l'inflammation, une dysbiose intestinale ou la culpabilité liée à la suralimentation", avancent les auteurs.
1. Le National Poll on Healthy Aging est une enquête nationale représentative des adultes âgés de 50 à 80 ans, menée par l'Université du Michigan via son Institute for Healthcare Policy and Innovation (IHPI).