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La santé mentale des aînés demande plus que des médicaments

En tant que médecin, j’ai suivi de nombreux patients confrontés à la dépression ou à l’anxiété à un âge avancé. L’un, âgé de 86 ans, m’a marqué. Quand je lui ai suggéré de rencontrer un psychologue, il m’a répondu: «Donnez-moi un médoc pour mieux dormir.» Cette réaction, non isolée, illustre une réalité plus large: pour beaucoup d’aînés, prendre un médicament semble aller de soi, parler de ses émotions beaucoup moins. 

Les chiffres des dernières analyses des Mutualités Libres (Partenamut) le confirment: plus on vieillit, plus le recours aux psychotropes augmente et les soins psychologiques perdent du terrain. En 2024, près d'un octogénaire sur quatre prenait des antidépresseurs (...) L’utilisation d'antipsychotiques est aussi élevée : environ un octogénaire sur 15 s'est vu prescrire ce type de médicament au moins une fois au cours de l'année écoulée. En maisons de repos, ces chiffres sont encore plus élevés : près d’un résident sur deux prend des antidépresseurs et un sur trois des antipsychotiques.

Dr Ruud Saerens
Dr Ruud Saerens, médecin expert aux Mutualités libres (Partenamut)

Malgré leur riche expérience de vie, leur résilience et leur sagesse qui peuvent les aider à traverser des périodes difficiles, les personnes âgées ne sont pas à l’abri des problèmes psychiques. Divers facteurs comme les problèmes de santé, deuils ou perte d’autonomie peuvent les rendre plus vulnérables. Et pourtant, elles font peu appel aux services d’aide psychologique.

(...) Pourquoi ? Plusieurs facteurs l’expliquent : une offre de soins correspondant peut-être moins bien à leurs besoins, des contraintes pratiques comme la mobilité, mais surtout il semble exister des barrières plus profondes. Pour beaucoup d’aînés, la santé mentale reste encore un tabou. Les sentiments dépressifs ou les angoisses sont souvent considérées comme normaux avec l’âge, ou il leur manque des mots pour les exprimer. Résultat : ces signaux passent souvent inaperçus (...)

Le danger des psychotropes 

Les psychotropes peuvent aider dans certaines situations mais leur consommation prolongée comporte des risques (chutes, troubles cognitifs, interactions nocives avec d’autres médicaments). Parallèlement, des opportunités restent inexploitées pour favoriser le rétablissement psychique avec des thérapies efficaces même à un âge avancé. La santé mentale constitue en effet un pilier fondamental de la qualité de vie, quel que soit l'âge. (...) Pour y remédier, une collaboration entre les différents niveaux de pouvoir est indispensable. La santé mentale doit trouver une place structurelle dans les politiques en faveur des aînés, et pas seulement lorsque la situation est déjà critique.

Que faire ?

  • Renforcer la littératie en santé mentale des personnes âgées et de leurs aidants proches.
  • Mettre en place des campagnes ciblées via des canaux et dans des lieux fréquentés par les personnes âgées.
  • Organiser des sessions sur le stress, le deuil, la dépression, l'anxiété ou d’autres thèmes pertinents pour les aînés, dans le cadre de la convention sur les soins psychologiques de première ligne.
  • Utiliser le témoignage de pairs pour briser les tabous.
  • Intégrer la santé mentale dans les bilans de santé existants ou les soirées d'information sur la nutrition, l’exercice physique ou les maladies chroniques, afin que ces thèmes deviennent aussi banals que la tension artérielle ou le diabète.
  • Élargir l’offre spécifiquement destinée aux personnes âgées et garantir son accessibilité.
  • Adapter les approches thérapeutiques aux besoins des aînés.
  • Rendre le soutien psychologique systématique en MRS, notamment au moment de l’admission. Fournir une aide logistique pour les déplacements ou recourir à la téléconsultation.

Ces efforts nécessitent des investissements, mais surtout une prise de position claire : reconnaitre que la santé mentale des aînés mérite autant d'attention que leur santé physique. Vieillir ne doit pas rimer avec “plus de médicaments, moins de dialogue”. (...) Des solutions existent, il est essentiel de les appliquer: pour nos parents, grands-parents et pour nous-mêmes. Comme le chantait Jacques Brel : “Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s’ensommeillent, leurs pianos sont fermés…” À moins que nous choisissions collectivement d’écouter. Et d’agir.

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Écrit par Dr Ruud Saerens, médecin expert aux Mutualités libres (Partenamut)30 septembre 2025
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