HUB : un véritable écosystème autour du patient
Médecins, kinés, psychologues rivalisent d’ingéniosité pour placer le patient, quel que soit son âge, dans un « écosystème » qui le protège et le sécurise. C’est l’objectif de l’hôpital universitaire de Bruxelles (HUB). Avec une rencontre toujours aussi captivante avec une « patiente-experte ».
Éric Brassine, directeur du service de kinésithérapie de l’HUB, rappelle l’importance de son métier, y compris en amont, dès le diagnostic : « Le kiné accompagne le patient sur l’ensemble du trajet de soins. Fort de mes 40 ans d’expérience, je connais l’immense bénéfice d’une revalidation précoce. Rendre sa mobilité au patient dès que possible est la clé. L’alitement a des effets délétères, pas seulement les escarres, mais aussi sur la durée de séjour. Raffermir l’endurance musculaire et les capacités fonctionnelles doit se penser dans le cadre d’une ‘prérééducation’. Tout cela va aider aussi les médecins. Le kiné doit travailler au sein de soins intégrés en collaboration avec tous les autres soignants. » Les kinés travaillent aujourd’hui étroitement avec une équipe de doctorants qui les aident à progresser dans leur art en résumant la littérature dans la discipline. La Faculté des sciences de la motricité humaine de l’ULB joue également un rôle. Après la rééducation doit venir le temps du « déconditionnement » du patient vis-à-vis de son kiné. Le patient doit savoir exactement quand il retrouvera réellement son autonomie.
L’importance des psychologues
Marianne Rotsaert, directrice du service de psychologie de l’HUB, souligne toute l’importance des psychologues dans l’accompagnement des patients. Mais elle souligne qu’elle ne guérit pas le patient – c’est le rôle des psychiatres d’apporter des thérapies médicamenteuses après diagnostic. La collaboration entre le patient – s’il le souhaite – et le psychologue influencera le chemin de la guérison ou, le cas échéant, si aucune guérison n’est possible, l’accompagnera dans une démarche d’euthanasie éventuelle. « Mais le patient est l’acteur de la guérison. Il garde son autonomie. Le psy l’aide à la compréhension des symptômes. Le psychologue apporte la ‘bouffée d’oxygène’. Il ne prodigue pas de soins proprement dits. Le psy contribue à la ‘clinique indirecte’. »
La psychologie hospitalière est évidemment amenée à accompagner le patient en unités de soins. Le diagnostic peut être très lourd et le suivi de l’entourage nécessaire. Marianne Rotsaert évoque le cas d’une mère qui perd son enfant et qui se projette sur le personnel féminin avec enfants… Tout se joue en multidisciplinarité. Une psychologue travaille généralement 70 % avec ses collègues et 30 % pour le patient et l’entourage. Mais l’encadrement hospitalier est trop faible (une psychologue pour l’ensemble du service de pédiatrie) bien que Marianne Rotsaert ne se plaigne pas. Le directeur général médical de l’HUB, Jean-Michel Hougardy, évoquera même une « crise de sens » au sein des hôpitaux pour cette raison…
Bordet’n Family
Originalité parmi d’autres : Bordet a créé il y a 15 ans Bordet’n Family pour accompagner les familles face au cancer de leurs proches. Aurore Liénard, psychologue clinicienne spécialisée en oncologie, raconte : « Annoncer le diagnostic au patient c’est aussi l’annoncer à sa famille, conjoint, enfant, parent… Il faut savoir qu’il y a à peine 15 ans, les enfants étaient interdits de visite à leurs parents cancéreux. »
Comment gérer les accompagnants ? On sait que la maladie d’une mère peut provoquer un décrochage scolaire chez sa progéniture… « La priorité des priorités est la communication. Ce que je dis, quel mot j’utilise, pour quelle raison ? S’il s’agit d’un enfant malade ou proche, il faut adapter le contenu du discours et contextualiser la maladie. L’approche des enfants est spécifique. Il faut s’entretenir préalablement avec les parents. » L’approche des adolescents et des jeunes adultes requiert aussi une dextérité particulière.
Bordet’n Family fonctionne gratuitement avec l’aide de l’Association Jules Bordet. Il offre une permanence téléphonique et répond aux demandes des familles mais aussi, éventuellement, des équipes soignantes. « Parfois des écoles nous appellent, des institutrices, des infirmières… Le concept apaise les familles et apporte, une ‘fluidité’ dans les soins. »
Qu’est-ce que le patient expert ?
L’HUB présente également la fonction toujours aussi captivante de « patient expert » (PE). Anhthi Nguyen a souffert d’un cancer et a suivi à la Sorbonne, à l’Université des patients, un master en « pair-aidance » de 200 heures, ouvert à toute personne porteuse d’un master ou d’un bachelier. Le patient-expert va partager le vécu de sa maladie avec le patient qu’il a à gérer. L’« expertise » peut impressionner. C’est pourquoi Anhthi Nguyen, en tant que nouvelle experte de soins, parle de la nécessité d’approcher les patients avec humilité dans sa discipline. « Ma mission est cadrée. Le patient doit apprivoiser sa nouvelle posture de patient. L’idée de mortalité est plus présente en hôpital. Personne n’a jamais appris à être un patient. Le patient se sent parfois coupable de faire du mal à son entourage. C’est pourquoi le PE s’occupe aussi de l’entourage si nécessaire. Le PE donne du temps, il parle le même langage, contrairement aux soignants. Le PE fait le lien entre patient et soignant. Il supprime tous les ‘parasites’ de communication pour que le patient soit prêt à discuter avec l’équipe soignante. »
Des tables rondes sont organisées pendant lesquelles les soignants expriment leur difficulté et apportent des réponses au patient. « L’être humain a besoin de comprendre. Or en oncologie, le médecin n’a pas toujours une réponse claire. Il répond en pourcentage, en probabilité de guérison. Parfois le cancérologue doit annoncer qu’il a trouvé ‘autre chose’… Face aux mauvaises nouvelles, tout un écosystème va s’effondrer. Des aidants proches peuvent entrer en dépression… ou mourir avant le malade qu’ils aident. Les parents se mettent la pression… »
Globul’Home
Dans le cadre de Globul’Home, l’Huderf (Hôpital universitaire des enfants Reine-Fabiola) accompagne les enfants en soins palliatifs. Le Dr Christine Fonteyne, directrice du service Ressource douleur et Globul’Home, gère une équipe de liaison pédiatrique constituée d’une infirmière pédiatrique, d’une travailleuse sociale et d’une équipe mobile pédiatrique. « L’équipe de liaison Globul’Home a pour mission de garantir la qualité et la continuité des soins entre l’hôpital et les lieux de vie de l’enfant : domicile, école ou centre de jour. Elle coordonne les soins complexes nécessitant des dispositifs médicaux spécifiques (ventilation, alimentation entérale, voies centrales, etc.) et propose un soutien 24 h/24 aux familles grâce à une permanence téléphonique et en se déplaçant au domicile. L’objectif est clair : éviter les hospitalisations répétées, anticiper les besoins, alléger la charge des parents et permettre à l’enfant de rester le plus possible chez lui. L’objectif est d’assurer au patient la meilleure qualité de vie possible. Le regard du père et de la mère sur cette qualité de vie est important. Globul’Home respecte les valeurs et le souhait des familles. »