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BPCO et trithérapie: que nous apprennent les données en vie réelle de l’étude CES dans la pratique quotidienne ?

À la suite de la récente publication des résultats de l’étude CES « real-world » (Comparative Effectiveness Study of FF/
UMEC/VI and BUD/GLY/FOR) chez des patients atteints de BPCO, la rédaction de « La référence médicale » a eu un échange intéressant avec les professeurs Eric Marchand (CHU UCL Namur) et Guy Joos (UGent).

BPCO trithérapie TrelegyLa référence médicale: Quelle est l’importance de la prévention des exacerbations chez les patients atteints de BPCO ?

Pr Eric Marchand: La prévention des exacerbations chez les patients atteints de BPCO est d’une grande importance, tant du point de vue du patient que pour le pronostic et la stabilité de la maladie. En effet, les exacerbations s’accompagnent d’une nette aggravation des symptômes et d’une détérioration significative de la qualité de vie, ce qui pèse particulièrement lourd pour ces patients souvent déjà sévèrement limités par leur maladie. De plus, les exacerbations contribuent à une perte progressive de la fonction pulmonaire, ce qui entraîne une aggravation supplémentaire de la maladie [2].

Pr Guy Joos: Par ailleurs, les exacerbations dans la BPCO augmentent non seulement le risque d’hospitalisation, mais également la mortalité, et ce tant par des causes pulmonaires que cardiovasculaires. Des données récentes montrent que les exacerbations accroissent également de manière significative le risque de complications cardiovasculaires graves, telles que l’infarctus du myocarde et les troubles du rythme cardiaque. Cela explique pourquoi les patients présentant des exacerbations fréquentes ont une mortalité plus élevée. La prévention des exacerbations demeure donc d’une importance cruciale, tant pour réduire la morbidité que la mortalité [2].

La référence médicale: Pourriez-vous brièvement présenter le protocole de l’étude « real-world » CES et indiquer, selon vous, quels en sont les résultats les plus importants ?

Pr Guy JoosPr Guy Joos: L’étude Comparative Effectiveness Study a évalué, chez des patients atteints de BPCO, l’effet du passage d’une bithérapie (LAMA/LABA ou LABA/CSI) vers une trithérapie en inhalateur unique (LABA/LAMA/CSI). Concrètement, les produits Trelegy et BUD/GLY/FOR ont été comparés dans un contexte de vie réelle. Alors que l’efficacité de chacun de ces traitements avait déjà été démontrée dans des essais cliniques randomisés, cette étude apporte des informations sur leur efficacité en pratique quotidienne [1]. Sur la base d’une large cohorte rétrospective américaine, il a été possible d’évaluer la réponse des patients ayant effectué, dans l’année, le passage à une trithérapie en conditions réelles, et de déterminer s’il existait des différences pertinentes entre les deux traitements [1].

Pr Eric MarchandPr Eric Marchand: L’étude CES était une étude observationnelle « real-world » qui a principalement examiné l’effet du passage à une trithérapie inhalée fixe chez des patients atteints de BPCO. Les patients initialement traités par une bithérapie inhalée ont été transférés vers une combinaison fixe en trithérapie. Deux groupes ont été comparés : d’une part, les patients traités par Trelegy (fluticasone/ umécidinium/vilantérol) et, d’autre part, ceux traités par BUD/GLY/FOR (budésonide/ glycopyrronium/formotérol). Afin de réduire au maximum les biais, les deux populations ont été appariées sur la base de données issues d’un vaste registre américain. Ainsi, il a été possible de comparer plus précisément les résultats lors du suivi après la transition vers la trithérapie [1]. Le critère de jugement principal montre que les patients passés à Trelegy présentaient un risque réduit de 18 % d’exacerbations modérées à sévères par rapport à ceux transférés sous BUD/GLY/FOR (RR: 0,82 ; IC 95 % : 0,77–0,88 ; p<0,001). De plus, la survenue de la première exacerbation modérée/sévère sur 12 mois a été significativement retardée dans le groupe Trelegy (réduction de 14 % du risque avec Trelegy versus BUD/GLY/FOR ; HR : 0,86 ; IC 95 % : 0,81–0,92 ; p<0,001). Le risque de mortalité toutes causes confondues s’est également révélé inférieur de 18 % chez les patients traités par Trelegy comparés à ceux sous BUD/GLY/FOR (HR : 0,82 ; IC 95 % : 0,68–0,99 ; p=0,040) [1].

Figure 3 Trelegy

La référence médicale: Les résultats de cette analyse « real-world » sont-ils en accord avec ce qui avait été démontré auparavant dans les essais cliniques randomisés ?

Pr Eric Marchand: Strictement parlant, nous ne pouvons pas répondre directement à cette question, car il n’existe pas d’essais cliniques randomisés comparant entre elles les différentes trithérapies. Dans un essai clinique randomisé, seules les combinaisons doubles de bronchodilatateurs (LABA/LAMA) ont été étudiées, des composants également présents dans Trelegy et BUD/GLY/FOR. Dans cette étude, un léger avantage a été mis en évidence en faveur de la combinaison UMEC/VI par rapport à GLY/FOR, notamment sur la fonction pulmonaire (VEMS1) [3]. Il est probable que nous ne disposerons jamais d’études randomisées « head-tohead » comparant directement les deux trithérapies, Trelegy et BUD/GLY/FOR.

La référence médicale: Quelle valeur ajoutée apportent, selon vous, ces données « real-world » par rapport aux essais cliniques randomisés dans le traitement de la BPCO ?

Pr Guy Joos: Les essais cliniques randomisés demeurent la forme la plus élevée de preuve scientifique et restent
indispensables. Les données « real-world » viennent cependant les compléter en apportant un éclairage sur la manière dont les résultats issus d’études cliniques contrôlées se confirment également dans la pratique quotidienne. De plus, les études « real-world » offrent quelque chose que les essais classiques permettent rarement : des observations et des comparaisons entre différents produits dans un contexte de vie réelle. Bien que le niveau de preuve soit plus faible, il s’agit d’un complément précieux et méthodologiquement solide.

Pr Eric Marchand: Les données « real-world » de l’étude CES sont particulièrement précieuses, précisément parce que nous ne disposerons probablement jamais d’essais randomisés « head-to-head ». Par ailleurs, elles reflètent mieux la réalité de la population atteinte de BPCO. Dans l’étude CES, l’âge moyen des patients était de 74 ans [1], ce qui correspond davantage à la population typique de la BPCO que les patients souvent plus jeunes et sélectionnés des essais cliniques randomisés. D’autres facteurs comme la technique d’inhalation et l’observance thérapeutique jouent également un rôle beaucoup plus important en pratique quotidienne que dans les études contrôlées, où les patients sont suivis de manière intensive. Ainsi, selon mon expérience, une prise unique quotidienne comme avec Trelegy facilite l’observance par rapport à la prise biquotidienne, et un dispositif à poudre comme celui du Trelegy minimise le risque d’erreur de technique d’inhalation par rapport à un aérosol doseur.

BPCO auscultation

La référence médicale: L’étude a également rapporté une mortalité totale plus faible pour FF/UMEC/VI. Comment interprétez-vous ce résultat ?

Pr Guy Joos: Le signal de mortalité rapporté doit être interprété avec prudence, puisqu’il s’agit de données « real-world » sans contrôle complet sur le choix thérapeutique ni sur l’observance. Néanmoins, une correction statistique a été effectuée dans cette étude afin de rendre les populations comparables [1].

Pr Eric Marchand: La mortalité totale plus faible rapportée avec FF/UMEC/VI, je l’interprète principalement à la lumière de la prévention des exacerbations. Les études IMPACT et ETHOS ont déjà montré que la trithérapie inhalée réduit non seulement les exacerbations, mais qu’elle peut également avoir un effet favorable sur la survie [4-5]. Nous savons que les exacerbations dans la BPCO sont étroitement liées à un risque accru d’événements cardiovasculaires graves, tels que les infarctus du myocarde ou les troubles du rythme [6]. Ce risque accru est le plus marqué au cours des trois premiers mois suivant une exacerbation, mais il peut persister jusqu’à douze mois [6]. Il est important de souligner que cela ne concerne pas uniquement les exacerbations sévères nécessitant une hospitalisation, mais aussi les exacerbations modérées traitées à domicile. En réduisant le nombre d’exacerbations et, par conséquent, en diminuant le risque de complications cardiovasculaires, une trithérapie – et dans cette analyse en particulier FF/UMEC/VI – peut contribuer à une mortalité plus faible [7]. Cela me paraît être l’explication la plus plausible de ce résultat.

Figure 4 Trelegy

Figure 5 Trelegy

La référence médicale: Pensez-vous que l’étude CES apporte de nouveaux éclairages sur la manière d’optimiser la prévention chez les patients qui passent d’une bithérapie à une trithérapie ?

Pr Eric Marchand: Oui, cette étude suggère qu’il pourrait exister des différences pertinentes entre les deux trithérapies étudiées, ce qui apporte de nouveaux éléments pour optimiser la prévention chez les patients qui passent d’une bithérapie à une trithérapie. Jusqu’à présent, sur la base des études IMPACT et ETHOS [4-5] on considérait principalement des effets de classe, mais cette analyse suggère que la composition spécifique de la trithérapie pourrait également jouer un rôle [1].

Par ailleurs, les différences dans le profil bronchodilatateur, et surtout dans l’observance et la technique d’inhalation, jouent un rôle important. La prise unique quotidienne et le dispositif Ellipta facile d’utilisation
peuvent, en pratique, contribuer à une bonne observance et ainsi à l’efficacité [8].

Ces données « real-world », malgré les limites inhérentes à ce type d’études, soutiennent donc non seulement le concept de la trithérapie en tant que classe, mais suggèrent aussi que le choix des molécules et d’un inhalateur spécifique peut être important pour la prévention des exacerbations en pratique quotidienne [1].

La référence médicale: Quel impact pensez-vous que les résultats de l’étude CES auront sur votre pratique quotidienne dans le traitement des patients BPCO qui ne répondent pas suffisamment à une bithérapie ?

Pr Guy Joos: Chez les patients BPCO qui ne répondent pas suffisamment à une bithérapie, le passage à une trithérapie en inhalateur unique est une étape logique et importante pour obtenir plus rapidement le contrôle de la maladie et améliorer l’observance thérapeutique. Cela doit toujours s’accompagner de mesures non pharmacologiques essentielles, telles que les vaccinations, l’arrêt du tabac, l’évitement de la pollution atmosphérique et la promotion de l’activité physique [2].

Pr Eric Marchand: Ces résultats influenceront certainement ma pratique, car ils offrent pour la première fois des informations précieuses sur les différences entre les deux trithérapies inhalées étudiées, basées sur des données de vie réelle [1]. Ils me donnent un soutien supplémentaire dans le choix de la thérapie inhalée pour les patients qui ne répondent pas suffisamment à une bithérapie. Il est frappant de constater que même dans une population plus âgée – où l’on pourrait douter de  la bonne utilisation d’un inhalateur à poudre – une tendance claire a été observée en faveur d’une trithérapie par inhalateur à poudre par rapport à un aérosol-doseur. Bien que l’étude elle-même n’ait pas évalué directement les inhalateurs et avec toutes les réserves qu’imposent une étude non randomisée, cela renforce ma conviction que le choix de l’inhalateur, en plus de la composition médicamenteuse, joue un rôle important dans la pratique quotidienne.

La référence médicale: Dans quelle mesure, selon vous, l’observance thérapeutique, la simplicité du schéma posologique et la technique d’inhalation jouent-elles un rôle dans les différences observées dans cette étude « real-world » ?

Pr Guy Joos: Les deux trithérapies appartiennent à la même classe thérapeutique (CSI/LABA/LAMA), mais diffèrent par le type d’inhalateur et le mode d’administration : un inhalateur à poudre sèche à prise unique quotidienne versus un aérosol-doseur biquotidien. D’après mon expérience, cela a un impact sur l’observance l’observance, puisque les schémas posologiques plus simples sont généralement mieux suivis. La technique d’inhalation joue également un rôle : les inhalateurs à poudre sèche sont souvent considérés comme plus faciles à utiliser que les aérosols doseurs, ce qui peut entraîner moins d’erreurs lors de leur utilisation, même si une instruction correcte par le médecin reste essentielle [9].

Article réalisé en collaboration avec GlaxoSmithKline.
Dr R. Gobert

Abréviations
BPCO (COPD) : Broncho-pneumopathie chronique obstructive (Chronic Obstructive Pulmonary Disease)
CSI (ICS) : Corticostéroïde inhalé (Inhaled Corticosteroid)
LABA : β2-agoniste à longue durée d’action (Long- Acting Beta2-Agonist)
LAMA : Antagoniste muscarinique à longue durée d’action (Long-Acting Muscarinic Antagonist)
FF/UMEC/VI : Fluticasone / Uméclidinium / Vilantérol
BUD/GLY/FOR : Budésonide / Glycopyrronium /Formotérol
HR: hazard ratio (rapport de risque)
IC: intervalle de confiance
RR: taux d’incidence
VEMS1 : Volume expiratoire maximal par seconde

Références
1. Wedzicha J, et al. Comparative Effectiveness of FF/UMEC/VI and BUD/GLY/FORM in Patients with COPD Stepping Up From Dual Therapy. Advances in Therapy 2025; 42(9):4432-4446.
2. Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease. Global strategy for the diagnosis, management, and prevention of chronic obstructive pulmonary disease (GOLD 2025 Report). Available at: https://goldcopd.org/2025-gold-report/.
3. Maltais F, et al. A Randomized, Double-Blind, Double-Dummy Study of Glycopyrrolate/Formoterol Fumarate
Metered Dose Inhaler Relative to Umeclidinium/Vilanterol Dry Powder Inhaler in COPD. Advances in Medicine 2019; 36 (9): 2434-2449.
4. Lipson DA et al., Reduction in All-Cause Mortality with Fluticasone Furoate/Umeclidinium/Vilanterol in
Patients with Chronic Obstructive Pulmonary Disease. Am J Respir Crit Care Med. 2020 Jun 15;201(12):1508-1516.
5. Martinez FJ et al., Reduced All-Cause Mortality in the ETHOS Trial of Budesonide/Glycopyrrolate/Formotero
l for Chronic Obstructive Pulmonary Disease. A Randomized, Double-Blind, Multicenter, Parallel-Group Study. Am J Respir Crit Care Med. 2021 Mar 1;203(5):553-564.
6. Pirera E, et al. Risk trajectory of cardiovascular events after an exacerbation of chronic obstructive
pulmonary disease: A systematic review and metaanalysis. European Journal of Internal Medicine 2025; 135: 74-82
7. Wells JM, et al. Mortality risk and serious cardiopulmonary events in moderate-to-severe COPD: Post Hoc Analysis of the IMPACT Trial. Chronic Obstructive Pulmonary Diseases: Journal of the COPD Foundation 2023; 10 (1): 33-45.
8. van der Palen J. et al. A randomised open-label crossover study of inhaler errors, preference and time to achieve correct inhaler use in patients with COPD or asthma: comparison of ELLIPTA with other inhaler devices. npj Prim Care Resp Med 26, 16079, 1-8 (2016).
9. Chrystyn H, et al. Device errors in asthma and COPD: systematic literature review and meta-analysis. npj Primary Care Respiratory Medicine 2017; 27: 22.

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