Le journal du médecin

L’impact de ChatGPT sur le cerveau a été évalué par le MIT

Une équipe de chercheurs du MIT a évalué et comparé trois groupes d’étudiants face à une rédaction, utilisant respectivement ChatGPT, la recherche Google ou simplement… leur cerveau. Les observations montrent de nettes différences entre ces groupes sur le plan de la connectivité neuronale ainsi que ceux de différentes fonctions cognitives telles que la mémoire et la perception du travail. Le concept de « dette cognitive » est mis en avant par les chercheurs.

Homme délèguant son travail à deux robots et se repose
© Getty Images

Jusqu’ici, l’affirmation selon laquelle « ChatGPT, ça vous rendra bête » demeurait a minima une prophétie formulée par les technosceptiques, au mieux une intuition dans la tête de certains inquiets. Depuis cette semaine, ces derniers ont pourtant trouvé un écho scientifique à leurs craintes.

Une équipe de chercheurs du MIT Media Lab a tenté d’explorer les effets cognitifs de l’utilisation répétée de ChatGPT dans le cadre d’un exercice de rédaction d’essais. Il est important de préciser que cette étude est actuellement au stade de pré-print et n’a donc pas encore été peer-reviewée. 

À travers un protocole combinant mesures EEG, analyses linguistiques et entretiens qualitatifs, ils ont comparé les performances et l’activité cérébrale de trois groupes d’étudiants : l’un utilisant exclusivement ChatGPT, un autre se servant d’un moteur de recherche classique (ex : Google), et un troisième n’ayant recours à aucun outil (ce dernier groupe a été nommé « brain-only ».  

Après un usage prolongé de ChatGPT, ses anciens utilisateurs ne retrouvent pas le niveau de connectivité neuronale de ceux qui ont toujours travaillé sans outil. Ils restent dans un état cognitif intermédiaire, moins intégré, moins mobilisé.

Pour chaque groupe de participant, trois sessions étaient menées selon ces conditions constantes. Lors d’une quatrième session, les rôles ont été inversés : les anciens participants du groupe « IA » devaient cette fois rédiger sans aucun outil, alors que les anciens du groupe « brain-only » devaient rédiger avec ChatGPT.

Il s’agissait d’une des premières tentatives à grande échelle de quantifier ce que les auteurs de l’étude nomment une « dette cognitive » (lire encadré ci-dessous) induite par l’externalisation de certaines fonctions mentales vers une IA.

Les observations de l'étude

Vers une dépendance à ChatGPT ?

Bouton de clavier unique AI
© Getty Images

L’observation principale de l’étude est liée à l'impact de l'utilisation de l'IA sur la connectivité neuronale, par l’analyse des signaux EEG, réalisée avec la méthode Dynamic Directed Transfer Function. Les participants du groupe « brain-only » ont montré une connectivité neuronale élevée, avec des réseaux cérébraux plus vastes et plus fortement interconnectés, notamment dans les bandes alpha et bêta, associées respectivement à l’attention soutenue et aux processus cognitifs élevés.

Cette connectivité augmentait au fil des sessions, ce qui suggère une adaptation cognitive progressive : le cerveau apprend à mobiliser davantage de ressources pour accomplir la tâche. Toujours chez ces participants, les zones les plus activées incluaient les régions frontales, pariétales et occipito-pariétales, impliquées dans la planification, la mémoire de travail, l’intégration visuelle et la prise de décision autonome.

Face à eux, les participants du groupe ChatGPT affichaient une connectivité neuronale globalement plus faible, et les réseaux activés étaient moins étendus et moins denses. Au fil des sessions, ce groupe montrait une stabilité ou une légère baisse de la connectivité, suggérant une forme d’habituation ou d’automatisation cognitive. Le cerveau s’engageait moins, probablement en raison de la délégation des efforts à l’outil.

Les activations dans les bandes alpha et bêta étaient nettement moins marquées, ce qui indique « un moindre effort attentionnel, une intégration visuelle plus superficielle, et une mobilisation cognitive réduite. » En 4e session, l'impact se ressent toujours : les anciens utilisateurs de ChatGPT ne retrouvent pas le niveau de connectivité neuronale de ceux qui ont toujours travaillé sans outil : ils restent dans un état cognitif intermédiaire, moins intégré, moins mobilisé.

La mémorisation et l’esprit critique également impactés

Main humaine qui donne des clés à un robot
© Getty Images

Les résultats a également évalué l'impact de l'utilisation d’un LLM sur la mémorisation. Le groupe Brain-only se souvenait mieux de ses écrits, pouvait citer ses phrases avec plus de précision, et montrait une meilleure capacité d’intégration sémantique. Le groupe « IA » avait par contre de grandes difficultés à citer correctement des passages de leurs essais. Leur mémoire sémantique semblait moins sollicitée ou moins consolidée.

Accessoirement, d’autres observations ont été formulées par les auteurs de l’étude. Le groupe ChatGPT utilisait le plus de noms propres, de dates et de définitions, ce qui reflète l’abondance de données dans l’outil. Les autres groupes en utilisaient nettement moins (–60 % dans le groupe Brain-only).

Les utilisateurs de ChatGPT avaient tendance à répéter des formulations similaires, à ne pas diversifier leurs idées, et à faire preuve d’un engagement critique plus faible face aux contenus générés. Le sentiment d’appropriation des essais était également plus fort chez les participants qui avaient rédigé sans aide. L’usage d’un LLM était associé à un sentiment d’aliénation de la production intellectuelle.

Enfin, le groupe « brain-only » a montré une forte variabilité dans la manière dont les participants abordaient la rédaction. À l’inverse, le groupe ChatGPT produisait des essais très homogènes, avec peu de variations entre les textes sur un même sujet, ce qui témoigne d’un formatage important induit par l’outil. Le groupe « moteur de recherche », quant à lui, semblait davantage influencé par les algorithmes de référencement que par la consigne même de rédaction. 

Les conclusions de l'étude

Retarder l’intégration des LLMs dans l’éducation

Dans ses conclusions, l’étude souligne que, bien que les larges modèles de langage (LLMs) comme ChatGPT simplifient l’accès à l’information, cette commodité a un prix : les utilisateurs deviennent moins enclins à questionner les contenus, à formuler des idées personnelles ou à exercer leur pensée critique. Elle appelle à mener des recherches longitudinales sur les effets des LLMs sur le cerveau humain avant de conclure à leur impact globalement positif.

Les observations des chercheurs plaident pour un retardement de l’introduction des LLMs dans les processus éducatifs, au profit d’une phase d’apprentissage autonome, plus bénéfique à l’autonomie cognitive : « Nous devons comprendre les implications cognitives à long terme de l’utilisation des IA avant de les intégrer massivement dans nos pratiques éducatives. »

 

La dette cognitive ?

La « dette cognitive », telle que définie dans l’étude du MIT, désigne les effets cumulatifs et insidieux d’un recours régulier à des assistants d’intelligence artificielle comme ChatGPT pour accomplir des tâches intellectuelles complexes. À court terme, l’IA semble alléger la charge mentale : elle fournit des réponses rapides, bien structurées, et facilite la rédaction ou l’argumentation. Mais cette économie d’effort s’opère au détriment d’un engagement cognitif profond.

Avec le temps, cette sous-mobilisation du cerveau altère des fonctions clés comme la mémoire, la capacité à formuler un raisonnement original, à structurer une pensée critique ou à se remémorer ses propres idées. L’utilisateur finit par adopter des automatismes dictés par l’outil, au point de reproduire des formulations-types ou de dépendre d’un mode de raisonnement exogène.

L'impact de cette dette n’est pas immédiatement visible : les performances peuvent paraître correctes élevées. Mais l’étude révèle une moindre activité cérébrale dans les zones liées à la mémoire, à l’attention ou à la planification. En somme, la dette cognitive traduit un appauvrissement progressif des processus intellectuels internes, que l’utilisateur « rembourse » en perdant peu à peu la maîtrise de ses capacités mentales, au profit d’un raisonnement délégué.

F.H.

Accès GRATUIT à l'article
ou
Faites un essai gratuit!Devenez un partenaire premium gratuit pendant un mois
et découvrez tous les avantages uniques que nous avons à vous offrir.
  • checknewsletter hebdomadaire avec des nouvelles de votre secteur
  • checkl'accès numérique à 35 revues spécialisées et à des aperçus du secteur financier
  • checkVos messages sur une sélection de sites web spécialisés
  • checkune visibilité maximale pour votre entreprise
Vous êtes déjà abonné? 
Écrit par François Hardy

En savoir plus sur

Magazine imprimé

Édition Récente

Lire la suite

Découvrez la dernière édition de notre magazine, qui regorge d'articles inspirants, d'analyses approfondies et de visuels époustouflants. Laissez-vous entraîner dans un voyage à travers les sujets les plus brûlants et les histoires que vous ne voudrez pas manquer.

Dans ce magazine
Cookies

Le journal du Médecin utilise des cookies pour optimiser et personnaliser votre expérience d'utilisateur. En utilisant ce site web, vous acceptez la politique en matière de confidentialité et de cookies.