Le Comité de l’assurance vent debout contre la loi Vandenbroucke

Au sein du Comité de l’assurance de l’Inami, prestataires de soins, établissements hospitaliers et mutualités ont déposé aujourd’hui une série d’observations conjointes à propos du projet de loi-cadre. Selon eux, ce texte compromet gravement le modèle de concertation.
Erik Derycke & Laurent Zanella
Le projet de loi-cadre a eu pour effet rare de rassembler les acteurs des soins de santé autour d’un front uni. Dans une prise de position commune, ils appellent le gouvernement à ne pas jeter par-dessus bord ce modèle de concertation. « Le modèle de concertation mérite d’être modernisé, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain », peut-on lire dans le texte auquel le journal du Médecin/Artsenkrant a eu accès.
Quatre points de préoccupation
Les signataires identifient quatre grandes préoccupations :

1/La procédure budgétaire revue : Ils s’opposent à la réforme de la procédure budgétaire qui accorde un rôle renforcé au gouvernement. La lettre de mission de juillet pourrait certes appuyer le travail des commissions de conventions, mais elle pourrait tout autant le saboter, préviennent-ils.
2/Le contournement du Conseil général : Le fait que le projet de budget de l’assurance, une fois les avis de la CCB (Commission de contrôle budgétaire) et du GDOSS (Groupe de direction Objectifs de soins de santé) recueillis, soit transmis au Conseil des ministres avant d’être discuté par le Conseil général, court-circuite les processus démocratiques internes.
« Cela vide de sa substance le rôle du Conseil général, pourtant composé de prestataires de soins, de mutualités, de partenaires sociaux… mais aussi de représentants du gouvernement », dénoncent-ils.
3/Pas de véritable débat : Les signataires dénoncent également la méthode : les réformes sont menées « à toute vitesse, sans débat préalable en profondeur, ni recours aux structures de concertation existantes ». Le délai de réaction trop court ne permet pas un débat de fond.
4/Des réformes à coordonner : Ils appellent enfin à une vision cohérente. La réforme de la nomenclature, celle du financement hospitalier et celle de l’organisation/attractivité des professions de santé doivent être articulées entre elles, sans quoi l’équilibre général risque d’être compromis.
Défense du cogestion
Les parties en présence au Comité de l'Assurance plaident pour le maintien du principe de cogestion des soins de santé par les prestataires et les mutualités. « L’expérience montre que les accords équilibrés, qui profitent à la fois au médecin et au patient, ne peuvent voir le jour qu’à travers une concertation sereine, où la nuance a sa place. »
En plus de cette déclaration commune, les membres du Comité de l’assurance (dont les syndicats médicaux) ont également introduit leurs remarques spécifiques. L’ensemble représente un dossier de 105 pages dont le ministre Frank Vandenbroucke devra désormais tenir compte.
Dans un entretien accordé au Journal du Médecin/Artsenkrant, rappelons-le, Frank Vandenbroucke avait préalablement qualifié la réunion de ce lundi 23 juin de « point de départ, pas d’arrivée ».
"La confiance arrive à pied et repart à cheval, et en ce moment, le cheval est plutôt une fusée. "
"Tous les prestataires de soins, gestionnaires hospitaliers et mutualités ont signé une note commune sur le projet de loi-cadre, avec pour principal message — et critique — le manque de concertation et l’approche incohérente des réformes, qui transforment le tout en château de cartes plutôt qu’en construction solide", exprime le Dr Thomas Gevaert, président du Cartel (ASGB/GBO/Modes).
"Une nette majorité du Comité de l’assurance réclame, sur base de cette note commune, un avis formel négatif sur le projet, mais cet avis explicite ne sera pas émis. On nous dit : 'La note commune est la réponse du Comité de l’assurance'. Il faut comprendre : c’est un non, mais on ne peut pas le dire à haute voix. Donc acte : c’est un non au projet de la part de la majorité."
Le spécialiste flamand indique que la note de base comporte plus de 100 pages de remarques des prestataires, hôpitaux et mutualités. "C’est sur cette base qu’il faut retravailler le texte."
Et maintenant ?
Le Dr Gevaert souligne d'abord qu'il faut tenir compte des remarques de fond de la majorité du terrain. "C’est promis : le projet tel quel ne passera pas, mais une version amendée est en cours de négociation. Nous ajusterons nos réactions et actions sur la version finale. Cela sera peaufiné cette semaine et communiqué officiellement. C’est cohérent avec ce que nous avons toujours dit : négocier, ajuster, et décider ensuite des actions."
Ensuite, pour les médecins, la ligne reste la même, seule la stratégie change , indique le président du Cartel: "L’objectif est un impact maximal sur les décideurs, minimal sur les patients, et une participation maximale. Sans adaptation, la volonté d’action va croître vite." Et de conclure: "Le coup de la pause estivale pour imposer en douce ? Ça ne passera pas. La confiance arrive à pied et repart à cheval — et en ce moment, le cheval est plutôt une fusée. "