
Prix Galien 2024 : innovation, équité et promesse d’avenir
À l’occasion de la 43e édition du Prix Galien, deux avancées biomédicales majeures ont été mises en avant : une thérapie génique inédite contre des maladies rares du sang, et une découverte fondamentale sur le rôle du microbiote dans l’absorption d’un médicament post-transplantation.
Le Prix Galien est bien plus qu’une distinction : c’est un hommage à la science, à la recherche et à l’innovation thérapeutique au service du patient. Cette année encore, Le journal du Médecin et Artsenkrant ont mis à l’honneur deux projets d’envergure. Le Prix du Médicament innovant a été décerné à Casgevy®. Le Prix de Pharmacologie, lui, est revenu à la Pre Laura Bindels (UCLouvain). Deux visages d’une même ambition : réconcilier médecine de pointe et médecine humaine.
Un plaidoyer politique pour une innovation au service de tous
En ouverture de la soirée, le ministre francophone de la Santé Yves Coppieters a livré un discours axé sur l'équité. Médecin de santé publique, ancien chercheur, il a rappelé combien l’innovation ne saurait se réduire à l’excellence technique. « Le Prix Galien met en lumière des avancées admirables, mais il nous invite surtout à réfléchir à la finalité de la science. L’innovation n’a de sens que si elle profite à toutes et à tous dans la société. »
Face aux inégalités territoriales, aux défis de l’accessibilité et à la fragmentation des soins, le ministre a plaidé pour une politique de santé articulée autour de trois axes : prévenir, soigner autrement, et garantir l’équité. Il a souligné les efforts budgétaires consentis en Wallonie – notamment le doublement du financement consacré à la prévention – tout en appelant à une réforme de la première ligne et à un meilleur décloisonnement entre acteurs du social et de la santé.
« Trop souvent, les patients se perdent dans un système complexe. Les professionnels manquent de temps, de moyens, de coordination. Et parfois, de reconnaissance. » Pour le ministre, la recherche peut jouer un rôle structurant dans ce changement de paradigme, à condition de rester ouverte, collaborative, connectée aux réalités du terrain et orientée vers le bien commun. Avec sa casquette de scientifique, il a salué le travail des chercheurs belges, souvent « dans l’ombre des laboratoires, ou au chevet des patients », et conclu par un appel à l’optimisme : « La science est vivante. Elle avance, elle doute parfois, mais elle ne renonce jamais. »
Caroline Ven, CEO de pharma.be, a emboîté le pas du ministre, appelant à davantage d’équité dans l’accès aux thérapies innovantes. Elle souligne toutefois que cela ne sera pas chose aisée. « Le secteur pharmaceutique est un pilier de l’économie belge, mais nous faisons face à de nombreux défis, aux niveaux national, européen et international. » Elle a notamment évoqué les barrières douanières potentielles, qui pourraient affecter les entreprises pharmaceutiques installées en Belgique.
Les gagnants du Prix Galien

Le Prix Galien repose sur un jury scientifique de haute volée. Quinze experts issus d’universités et hôpitaux de Belgique et du Luxembourg ont évalué les projets selon des critères stricts : qualité expérimentale, originalité scientifique, rigueur méthodologique, applicabilité clinique.
Laura Bindels : le microbiote en allié thérapeutique
Le Prix de Pharmacologie 2024 a été décerné à Laura Bindels (UCLouvain), pour un projet interdisciplinaire consacré au tacrolimus, immunosuppresseur central dans la prise en charge des patients transplantés. En collaboration avec la Pre Laure Elens et la Dre Alexandra Degraeve, elle a exploré un facteur jusqu’ici peu étudié : le rôle du microbiote intestinal dans la variabilité interindividuelle de la réponse au médicament.
L’étude clinique a porté sur 100 patients greffés du rein, stabilisés sous tacrolimus. Une stratification pharmacocinétique a permis d’identifier des profils d’absorption très différenciés. L’analyse du microbiote a révélé que deux unités bactériennes expliquaient à elles seules 11 % de cette variabilité, indépendamment des facteurs classiques (génétique, poids, âge).
En parallèle, des expériences précliniques menées chez la souris ont démontré que certains métabolites microbiens polaires pouvaient inhiber la transcription de la P-glycoprotéine (ABCB1), une pompe d’efflux intestinale. Résultat : une augmentation de l’absorption intestinale du tacrolimus, donc des concentrations plus élevées dans le sang.
« Ce travail confirme que le microbiote est un déterminant pharmacocinétique à part entière, et ouvre la voie à une individualisation plus fine des immunosuppresseurs », a conclu Laura Bindels. Une avancée qui pourrait concerner, à terme, d’autres médicaments à fenêtre thérapeutique étroite.
Casgevy® : une révolution thérapeutique fondée sur CRISPR
Le Prix du Médicament innovant 2025 a été attribué à Casgevy® (exagamglogene autotemcel), première thérapie génique validée utilisant la technologie CRISPR/Cas9. Développée par Vertex Pharmaceuticals, elle cible deux maladies génétiques rares et sévères : la drépanocytose avec crises vaso-occlusives récurrentes, et la bêta-thalassémie dépendante des transfusions. Deux affections qui, jusqu’ici, réduisaient considérablement l’espérance de vie et imposaient un lourd fardeau aux patients, familles et systèmes de santé.
Casgevy® est indiqué pour les patients de 12 ans et plus, lorsque la greffe de cellules souches est envisageable mais qu’aucun donneur compatible n’est disponible – une situation fréquente. La thérapie repose sur un principe innovant : éditer les cellules souches du patient lui-même, afin qu’elles produisent de l’hémoglobine fœtale, contournant ainsi les défauts génétiques en cause.
« Casgevy offre le potentiel d’une guérison fonctionnelle unique, et représente une avancée historique pour des patients longtemps oubliés », a déclaré Paul Newton, Senior Country Manager pour le Benelux de Vertex Pharmaceuticals. Il a également souligné le symbole que représentait la remise du prix, à quelques semaines de la Journée mondiale de la drépanocytose (19 juin), dans un pays où ces pathologies restent encore peu visibles.
À travers Casgevy®, c’est aussi une nouvelle ère thérapeutique qui s’ouvre : celle de la médecine de précision fondée sur l’édition génomique. « Cette thérapie incarne toutes les qualités attendues d’un médicament primé : innovation, bénéfice clinique majeur, et solidité scientifique », a justifié le Pr Guido De Meyer, président du jury du Prix Galien 2024.