Le journal du medecin

Philippe Boxho: "Je ne soigne pas des patients, j'éduque la population"

Le Conseil national de l'Ordre des médecins a rendu un avis qui encadre la publication de récits de patients par un médecin. En toute sobriété, l'Ordre répond qu'il ne vise pas les livres de Philippe Boxho. Et en toute franchise, Philippe Boxho démontre pourquoi il ne devrait surtout pas être visé par l'Ordre.

Philippe Boxho

Fin février, le Conseil national de l'Ordre des médecins rendait un avis à propos de la publication à visée non scientifique de récits, par un médecin, de situations vécues par des patients. Cela vous fait penser à quelqu'un? Si pas, voici quelques extraits choisis: "le présent avis s'applique quelque soit la forme [des récits] (papier, vidéo, audio...)" ; "le respect de la dignité humaine du patient s'impose même si le patient n'est pas identifiable" ; "l'obligation légale de préserver le secret professionnel ne s'éteint pas avec le décès du patient" ...

Vous pensez aux livres du très médiatisé Pr Philippe Boxho? Nous, oui. Et le premier à avoir envisagé que cet avis était possiblement dirigé contre Philippe Boxho... c'est Philippe Boxho lui-même! "À la lecture de l'avis, j'ai tout de suite appelé l'Ordre, en croyant qu'on parlait de moi", confie-t-il. Et à Philippe Boxho comme à la rédaction du journal du Médecin, on répond pourtant que non. "L'avis du Conseil national porte sur une question d'ordre général", assure Benoît Dejemeppe, président du Conseil. "La thématique de la santé intéresse un large public de telle sorte que les témoignages des professionnels sont davantage sollicités, qu'il s'agisse de reportages d'investigation, de débats sur les réseaux sociaux, d'articles de presse, etc. Le succès des livres du professeur Boxho en est une illustration."

"L'Ordre des médecins a parfaitement raison d'encadrer la publication de ces récits..."

- Philippe Boxho

Une source bien informée confirme et précise que l'avis a été émis pour répondre à une médecin généraliste bruxelloise qui envisageait d'écrire un livre à propos des problèmes de santé rencontrés par ses patients. C'est précisément la différence fondamentale entre la relation "généraliste - patient" et la relation "légiste - victime" qui fait, selon le Pr Boxho, qu'il n'est ni ciblé, ni même impacté par l'avis de l'Ordre. "Ce qui est visé, ce sont les soins. La loi sur les droits du patient est une des rares législations où l'on définit des termes médicaux. C'est même, à mon souvenir, la seule. Elle définit les soins de santé, le praticien professionnel, etc... En aucune manière les actes que je réalise ne sont visés par cette définition des soins."

"Wokisme" & dignité

L'Ordre fait référence au fait que le secret médical ne s'arrête pas avec la mort du patient. "C'est totalement vrai", confirme le légiste. "Certains patients ont des difficultés à se livrer à leur médecin, ce qui n'est jamais bon en termes de santé publique. Donc l'Ordre des médecins a parfaitement raison d'encadrer la publication de ces récits. Comme médecin légiste, je suis tenu par ce secret médical. Mais, en plus, j'ai un autre secret qui est très largement plus important, c'est le secret judiciaire."

Pour rédiger ses livres, le Pr Boxho s'est enquis auprès de procureurs et de juges pour savoir si ce qu'il écrivait risquait de rentrer dans le cadre de la violation du secret judiciaire. La réponse a été formellement "non", pour deux motifs. "Le premier, c'est que je n'attire pas l'attention sur une affaire particulière mais sur un cas médico-légal, qui ne dit pas que c'est Monsieur Untel qui a été tué par un autre Monsieur Untel. Dans mes histoires, le fond médico-légal est vrai, les discussions avec les policiers sont vraies, comme tout ce qui concerne les passages en justice. Mais par contre, l'histoire est romancée. Je change les prénoms, ce sont ceux de mes copains. Le récit présenté n'a plus rien à voir avec l'histoire de base. De cette manière-là, j'estime que je reste droit sur le plan déontologique. Puis, le second motif, c'est que je raconte des histoires qui, en général, ont déjà fait l'objet de publications dans la presse. Là, la question est de savoir s'il y a encore quelque chose à cacher, alors que la presse en a fait l'écho, alors que c'est passé en cour d'assises..."

... mais je refuse que l'on prive la population d'être éduquée !

Une ligne de l'avis de l'Ordre rappelle pourtant que le respect de la dignité humaine du patient s'impose sur le plan déontologique, même si le patient n'est pas identifiable. "Mais il n'est pas indigne de dire de quoi quelqu'un meurt!", rétorque Philippe Boxho. "Ça voudrait dire qu'on ne peut plus parler d'affaires judiciaires, qu'on ne peut plus parler de suicide, qu'on ne peut plus rien faire par respect. C'est du wokisme! (sic)"

Des romans à visée scientifique ?

Digne ou non, le médecin souligne encore une raison pour laquelle, selon lui, le cadre posé par l'avis de l'Ordre, spécifiquement applicable "aux récits publiés à des fins non scientifiques", ne concerne pas ses livres. "Dans mes bouquins, les éléments que je donne, ce sont des éléments de matière scientifique. Ce n'est pas une publication scientifique, bien entendu. Mais j'explique aux gens comment on fait une autopsie, comment on fait un examen du corps, etc. Alors si la visée n'est pas scientifique, elle l'est quand même dans les faits. Quoi que l'on dise, à partir du moment où l'on parle d'un fait scientifique, on fait de la science."

Il donne un exemple: "Mon premier bouquin commence en critiquant les séries américaines d'investigation de scènes de crime en pointant ce qui est faux. Je suis désolé, mais ça c'est de l'éducation. Et je refuse que l'on prive la population d'être éduquée! Je refuse que l'on continue à laisser croire que ce que les gens voient dans les séries américaines est vrai. Je les confronte à la réalité et j'explique en quoi la médecine légale est utile. Et mon bouquin a un succès incroyable, notamment à cause de ça. Les gens me disent 'on a appris quelque chose! ' ; on ne dit pas ça de romans. Défendre la médecine légale, c'est un combat que je mène depuis des années contre le gouvernement belge, qui le nie, et qui nous envoie systématiquement bouler."

 Pour conclure, Philippe Boxho évoque une plainte qui avait été déposée contre lui et ses livres au Conseil provincial de Liège de l'Ordre des médecins, alléguant qu'il ne respectait pas la déontologie. "Le Conseil a non seulement répondu par la négative, en disant que je respectais bien la déontologie mais, dans la foulée, m'a en plus invité à venir présenter mes bouquins à une cérémonie de prestation de serment."

Faites un essai gratuit!Devenez un partenaire premium gratuit pendant un mois
et découvrez tous les avantages uniques que nous avons à vous offrir.
  • checknewsletter hebdomadaire avec des nouvelles de votre secteur
  • checkl'accès numérique à 35 revues spécialisées et à des aperçus du secteur financier
  • checkVos messages sur une sélection de sites web spécialisés
  • checkune visibilité maximale pour votre entreprise
Vous êtes déjà abonné? Cliquez ici pour vous connecter
S'inscrire gratuitement

Déjà enregistré ou abonné?Cliquez ici pour vous connecter

Inscrivez-vous à notre newsletter et conservez la possibilité de vous désinscrire à tout moment. Nous garantissons la confidentialité et utilisons vos données uniquement à des fins de newsletter.
Écrit par François Hardy
Magazine imprimé

Édition Récente

Lire la suite

Découvrez la dernière édition de notre magazine, qui regorge d'articles inspirants, d'analyses approfondies et de visuels époustouflants. Laissez-vous entraîner dans un voyage à travers les sujets les plus brûlants et les histoires que vous ne voudrez pas manquer.

Dans ce magazine