Le CBIP dans un monde qui change

Le Groupe de réflexion et d’action pour la santé (GRAS) organisait récemment un webinaire autour de l’avenir du Centre belge d’information médico-pharmaceutique : « Le CBIP dans un monde qui change : quelle évolution, quels défis ? ». L’événement a rassemblé une centaine de professionnels de la santé pour deux heures de débat, animé par le Dr Jean-Jacques Slegten, médecin généraliste.
Le GRAS organisateur du webinaire se présente comme un mouvement de veille éthique rassemblant des professionnels de santé « soucieux de défendre une médecine rigoureuse, mesurée et exempte d’influence commerciale ». Ce réseau sans sponsoring mène aussi des campagnes thématiques, pratique la publivigilance® et édite une Lettre d’information gratuite.
L’invité principal, le PrJean-Marie Maloteaux, rédacteur en chef de la revue du CBIP et professeur honoraire de neurologie à l’UCL, a dressé un portrait détaillé de cette institution-clé du système de santé belge, peut-être pas si connu des jeunes médecins.
Une mission de service public
Fondé en 1971, le CBIP a été pensé dès l’origine comme un contrepoids à l’influence de l’industrie pharmaceutique dans l’information destinée aux prescripteurs. L’objectif était d’offrir une information indépendante, rigoureuse, actualisée et compréhensible. Cette mission s’est élargie avec le temps : aujourd’hui, le CBIP s’adresse non seulement aux médecins et pharmaciens, mais aussi aux dentistes, sage-femmes, infirmiers et même vétérinaires.
Aujourd’hui, 41 collaborateurs travaillent pour le centre, pour la plupart praticiens en exercice, et assurent la rédaction, la relecture, la traduction et l’informatisation des contenus. Le financement provient de l’Inami et de l’AFMPS. Tous les collaborateurs doivent déclarer leurs éventuels conflits d’intérêts.
Un arsenal d’outils au service de la santé publique
Au fil de son intervention, le Pr Maloteaux a détaillé les principaux outils du CBIP. Les plus connus sont le Répertoire commenté des médicaments, référence gratuite et libre d’accès, actualisée en continu et le Folia Pharmacotherapeutica, diffusé chaque semaine à 30 000 abonnés. S’y est ajoutée au cours du temps la plateforme de formation « Auditorium », accréditée et « en plein développement ». Le Centre produit également les « fiches 80+ » pour la prescription chez les personnes âgées, les « toolbox ».
Le CBIP s’est adapté aux turbulences du secteur des médicaments : pénuries de médicaments, essor des biomédicaments, cybersécurité, usage croissant du mobile, besoin d’informations ciblées par profil professionnel.
Défis
Parmi les défis clés, le Pr Maloteaux a mentionné la nécessité d’assurer une 'cybersécurité' face aux risques de piratage et le souci de cohérence des messages entre équipes (rédaction, informatique, traduction, e-learning). « Avec une équipe d’une quarantaine de personnes, il est évident que c’est un défi. Le centre doit également adapter les classifications à l’arrivée des biomédicaments multi-cibles et informer le public sans provoquer de rupture du traitement (« rédaction prudente » des fiches patients). Bien que le coût élevé des nouveaux traitements fasse problème, le centre doit conserver à leur égard la plus grande objectivité scientifique. »
Traversant la crise pandémique, Maloteaux note que les vaccins évoluent également très vite, notamment, bien sûr, les technologies ARN messager. Mais il y a aussi une série de médicaments homéopathiques qui sont enregistrés comme médicaments sans être passés par toutes les phases de tests traditionnels.
« Un projet auquel nous tenons, mais qui s’annonce complexe, est la création d’une rubrique pédiatrique dans le répertoire. Ce matin encore, un collègue pédiatre me rappelait que près de 75 % des prescriptions en pédiatrie concernent des médicaments qui ne sont pas officiellement indiqués chez l’enfant. En d’autres termes, les pédiatres doivent très souvent prescrire des médicaments "hors AMM" (autorisation de mise sur le marché) – tout simplement parce qu’ils n’ont pas d’alternative, alors même que les enfants en ont besoin. Comment formuler des conseils utiles et fiables dans un contexte où l’évidence scientifique est limitée, et où les notices des médicaments ne couvrent pas les usages réels ? Comme vous le savez, très peu d’essais cliniques ont été réalisés chez l’enfant, même si cela commence à évoluer grâce à l’encadrement européen. Mais dans bien des cas, les médicaments utilisés en pédiatrie n’ont pas été testés de manière rigoureuse chez les enfants. Il faudra donc, pour cette rubrique, travailler en étroite collaboration avec des pédiatres expérimentés et tenir compte de leurs pratiques de terrain. » Un deuxième chantier, à moyen terme, concerne la prise en compte des médicaments hospitaliers…